
La sortie de Crimson Desert approche, doucement mais sûrement. Pour rappel, c’est probablement l’un des jeux les plus ambitieux à l’heure actuelle, tant par son monde ouvert très spectaculaire que par son gameplay très dense. Reste à voir si le résultat sera à la hauteur, mais la barre semble être assez haute. Et c’est pour ça que j’ai décidé de me pencher un peu plus sur Black Desert, le précédent jeu du studio. Un MMORPG avec la promesse d’un monde regorgeant de surprises et un gameplay bien plus orienté action que ce qu’on voit habituellement pour le genre. Bref, un jeu qui sort des sentiers battus. On va donc regarder ce que Black Desert réussit encore, ce que la version PS5 change vraiment, histoire d’esquisser ce que ça pourrait présager pour Crimson Desert.
Pour donner un peu de contexte, Black Desert Online ne date pas d’hier puisqu’il date de 2015. Il a largement évolué depuis lors, mais il reste un MMO dont les bases ont été posées depuis plus de 10 ans maintenant. Me concernant, j’y ai joué il y a quelques années de ça. J’avais apprécié le gameplay et l’ambiance du jeu, mais le manque d’intérêt que je portais au scénario m’a finalement poussé à l’abandonner assez rapidement pour aller sur un autre mastodonte du genre, Final Fantasy XIV. Maintenant qu’il est sorti sur PS5 et que Crimson Desert ne devrait plus tarder, je me suis dit que c’était l’occasion de lui redonner sa chance. Alors, est-ce qu’en 2025, Black Desert tient toujours debout ?
Bon, soyons honnêtes, Black Desert n’a jamais prétendu être un grand roman interactif, et la version PS5 ne change pas cette donne. La trame principale sert surtout de fil conducteur avant d’être un moteur dramatique. On y trouve parfois quelques histoires isolées qui fonctionnent ou des boss scénarisés qui rythment bien une soirée. Mais dans l’ensemble, ça reste inégal avec une direction plus utilitaire que mémorable. Le jeu assume depuis des années une philosophie de bac à sable : il préfère donner des systèmes à apprivoiser plutôt qu’une autoroute narrative à suivre. Si on cherche un MMO où l’histoire s’impose comme raison d’être, on risque d’être déçu et d’y voir plutôt un décor luxueux autour d’un propos discret. Pour ça, vaut mieux se tourner vers Final Fantasy XIV ou The Elder Scrolls Online.
Mais en parlant de décor, force est de constater qu’il a vieilli avec panache. La direction artistique reste flamboyante, parfois outrancière, mais rarement tiède. On ne parle pas d’un “lifting” PS5 avec des assets inédits qui change totalement les visuels, on parle d’un monde qui, déjà, était impressionnant à sa sortie. La version native met surtout en valeur ce qui existait : horizons ouverts, villes denses à certaines heures, armures rutilantes, personnages au grain de peau presque trop lisse. Les panoramas tiennent encore la comparaison, et le créateur de personnage demeure une référence. On peut facilement y passer des heures : tout est réglable, peaufinable, au point que les villes se transforment parfois en défilé permanent où chacun revendique sa silhouette. Certains moments sont mafiques, comme celui où on arrive en ville à l’aube après une nuit de grind, quand la lumière rase les toits et que la foule se met en mouvement. Ça nous rappelle pourquoi le jeu marque encore les rétines tout comme un world boss en heure de pointe peut transformer l’écran en feu d’artifice où la lisibilité prend cher.
Tout n’est pas parfait pour autant. Le moteur sait se montrer capricieux : on a parfois du pop-in de végétation ou d’objets sur certaines zones, la profondeur de champ est un peu agressive, la lisibilité part aux fraises dans les plus gros attroupements. La PS5 réduit l’agacement le plus trivial – l’attente – mais ne gomme pas magiquement la surcharge visuelle. On reste sur un MMO massif, et la masse a ses exigences.
L’ambiance, elle, tient par le mélange de folklore, de démesure et d’un goût du spectaculaire qui frôle parfois le kitsch. C’est précisément ce côté too much qui donne sa personnalité au jeu. Rien que l’animation des classes, leur manière d’occuper l’espace en combat, leur emphase, disent l’intention : on n’est pas là pour la sobriété documentaire, on est là pour faire claquer l’écran. C’est un parti pris cohérent avec l’expérience globale : le monde ne raconte pas si bien, mais il montre avec assurance.
Manette en main, Black Desert fait toujours ce que peu de MMO osent : un vrai système d’action, nerveux, lisible – quand on a fait l’effort de l’apprivoiser – fondé sur des enchaînements, des timings et une mémoire musculaire qui se construit. L’absence de verrouillage de cible, les gardes directionnelles, les esquives à bon escient, rapprochent les sensations d’un beat’em up plutôt que d’un tab-targeting classique. Ce n’est pas une révolution côté PS5, c’est un écrin un peu plus stable pour la même grammaire, et c’est largement suffisant pour rappeler pourquoi ce combat a tant séduit à l’époque : il offre un plaisir immédiat, mais révèle ses nuances sur la durée.
L’autre versant, c’est l’interface. Et là, rien de neuf : dense et jalonnée de sous-menus et de panneaux explicatifs qui oublient trop souvent la hiérarchie de l’information et un chemin d’apprentissage clair. Le jeu ne nous prend pas la main ; il nous met une carte d’état-major sur les genoux. Avec le temps, on finit par maîtriser les raccourcis et on apprend doucement la gymnastique nécessaire pour naviguer avec aisance dans les menus, mais ça reste un casse-tête qu’on doit prendre le temps de maîtriser. Si on n’est pas habitué au genre ou qu’on vient d’un MMO moins encombré, ça peut surprendre, et ça peut faire mal au début.
Par contre, là où le jeu brille de mille feux et qui le distingue encore aujourd’hui, c’est cette économie de vie qui tourne. Récolte, cuisine, alchimie, pêche, élevage, commerce, gestion d’ouvriers, maisons… on peut passer des dizaines d’heures sans déclencher un grand moment scénarisé, sans jamais s’ennuyer une seconde. C’est la promesse du bac à sable : produire nos propres objectifs, construire une petite industrie, optimiser des flux jusqu’à ce que la boucle tourne. Là où la plupart des MMO nous disent quoi faire, Black Desert nous suggère ce qu’on pourrait vouloir. Ça implique par contre un défaut assumé : le grind. Ce que certains apprécient là-dedans, c’est la progression lisible et presque méditative des sessions ; ce qui rebute d’autres, ce sont les plateaux à franchir et la RNG sur l’optimisation. On peut vivre de ses métiers, certes, mais si on vise le sommet en PvE ou en PvP, la courbe de puissance reste adossée à des heures de farm, à des routines que certains adorent et que d’autres fuient.
Au passage, un mot sur la sociabilité : le cross-play entre consoles simplifie la vie. Recruter, planifier, éviter les silos générationnels, tout devient plus direct. L’absence de cross-play avec le PC maintient chacun dans son bassin, ce qui a des avantages, comme des métas parfois moins figées et une culture de serveur propre à chaque support ; et des limites, notamment l’absence de grand marché commun. Là encore, on sent une philosophie pragmatique : mieux vaut un groupe solide qu’un océan mal raccordé.
La version native PS5 n’ajoute pas de contenu : elle accélère et stabilise — moins d’attente, plus de fluidité, même expérience. Les temps de chargement deviennent minimes, et ça fait toute la différence : dans un MMO où on enchaîne les sessions et où on se téléporte souvent, on passe plus de temps à jouer et moins à attendre. Typiquement, un respawn après une mort en zone contestée ou un déplacement rapide vers une ville ne coupent plus la dynamique pendant de longues secondes : on repart presque tout de suite. Les modes de performance déjà connus redeviennent le standard, avec un 60 images par seconde qui tient bien son rang dans l’exploration et les petits groupes, et un mode jusqu’à 120 images par seconde selon l’écran et les zones, utile pour le grind et la sensation générale. Rien de “magique”, simplement une machine qui respire mieux.
Concernant la DualSense, c’est assez sobre. On n’est pas sur un jeu qui cherche à simuler la tension d’une gâchette ou la stridence d’un arc : l’apport est discret, parfois trop, mais contribue à la micro-lecture des impacts quand on a déjà ses repères.
Autre argument de taille : si on migre depuis la PS4, la transition de compte et de progression est sans drame, et c’est peut-être l’argument le plus tangible de cette version, pouvoir changer sans avoir à tout recommencer.
Techniquement, l’histoire du jeu sur consoles n’est pas effacée par un coup de baguette. Les très grands rassemblements peuvent encore titiller le framerate, la lisibilité peut se fragiliser dans le vacarme visuel, quelques accrochages sporadiques rappellent que les MMO sont des bêtes vivantes. La grande différence, c’est que ces accrocs se font moins fréquents en usage courant, et que les sessions les plus “logistiques” comme la récolte, l’artisanat ou le housing bénéficient directement de la rapidité globale. Il y a un effet psychologique simple : le jeu a beau être le même, on se surprend à y revenir plus facilement parce que le seuil d’entrée a baissé.
Dernier point d’infrastructure : la disparition de l’ancienne génération côté service et la concentration sur l’écosystème actuel. C’est plus simple pour tout le monde. Le cross-play entre consoles garde les serveurs vivants, et l’absence de pont avec le PC évite certaines dérives (outils tiers, macros, modding informel) au prix d’un cloisonnement assumé. Là aussi, on reste dans l’idéologie “mieux vaut un jardin bien tenu qu’un champ sans clôture”.
Le modèle économique de Black Desert n’a jamais laissé indifférent. La boutique vend avant tout du confort : animaux de compagnie pour ramasser le butin, poids et emplacements d’inventaire, services de qualité de vie, cosmétiques, et tout ce qui lisse les arêtes d’un jeu de systèmes où le temps est la ressource maîtresse. Ce n’est pas une vente de compétence ni, stricto sensu, une vente de victoire, mais c’est indéniablement une vente d’accélération : moins de friction, plus de rendement horaire, des seuils atteints plus vite. On peut jouer sobre, avancer lentement, savourer la boucle. On peut aussi monétiser sa patience, et la tentation est réelle si on vise le haut du panier en équipement ou une cadence d’optimisation soutenue.
Entre PC et PS5, l’ossature est la même, mais la sensation diffère sur des détails qui comptent. Sur PC, la boutique et l’écosystème vivent à la cadence du lanceur, avec des promotions et des coupons qui rythment l’année selon les temps forts communautaires. La présence historique d’outils tiers, de sites et de ressources externes très riches façonne aussi la perception : si on est vraiment motivé, on compare, on calcule, on suit des tableurs partagés, en gros on optimise chaque euro comme on optimiserait une route commerciale. Les joueurs PC, rompus aux grandes messes des soldes, savent guetter les fenêtres de rentabilité et jongler avec les événements saisonniers.
Sur PS5, l’intégration au PlayStation Store et au cadre console change la friction d’achat et la présentation, pas la philosophie. On se retrouve avec des parcours d’achat plus encapsulés, des packs présentés différemment, une ergonomie qui privilégie l’immédiateté. C’est un environnement plus “fermé” : on quitte moins le jeu pour aller chiner des optimisations sur une page web, on navigue dans ce que la console autorise et met en avant. Et le résultat est ambivalent. D’un côté, ça évite la tentation permanente de l’ingénierie financière et garde l’expérience dans son cadre. De l’autre, la visibilité des coûts et la comparaison fine des offres s’en trouvent moins naturelles si on a pris l’habitude des outils côté PC. Dans les deux cas, les cosmétiques restent l’entrée la moins controversée ; les éléments de confort, eux, continueront d’alimenter les débats et à raison. En pratique, un pet devient presque indispensable pour ramasser automatiquement le butin ; les extensions de poids et d’emplacements d’inventaire relèvent du confort appréciable mais pas immédiat. Surtout parce que Black Desert, par sa nature, transforme des minutes économisées en avantage cumulatif sur la durée. À court terme, rien d’insurmontable ; à long terme, un joueur qui paie lisse objectivement son expérience.