Test The Alters : de la gestion et des clones

Published in Tests
June 13, 2025
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Est-ce que vous avez déjà regretté un mauvais choix ? Est-ce que vous vous êtes déjà dit « si seulement j’avais répondu ça ! », ou est-ce que vous vous êtes déjà repassé un moment en boucle dans votre tête en imaginant tout ce que vous auriez pu faire différemment ? Imaginez que vous puissiez rencontrer une version de vous-même qui aurait fait ces choix. Une version de vous-même qui a eu le courage d’agir différemment, ou la lâcheté de répondre autrement. Et, grâce à ce merveilleux concept qu’est l’effet papillon, ces personnes sont devenues totalement différentes, des êtres à part entière qui n’ont plus qu’en commun des souvenirs partagés. Sauf qu’il y a un petit couac dans cette histoire : vous n’avez pas vraiment le temps d’explorer le multivers ou de vous plonger dans de grandes discussions philosophiques. Parce que vous êtes sur une planète qui vous tuera bien avant que vous ayez des réponses à vos questions. Bienvenue dans The Alters.

Un bon jeu de gestion ?

Ouais, ça, c’est grosso modo le pitch de base. Le pauvre Jan Dolski n’a vraiment pas de chance : alors qu’il est en mission dans l’espace à la recherche de rapidium, le vaisseau subit un étrange accident. Il se réveille seul sur une planète peu accueillante, découvre rapidement que tout le reste de l’équipage est mort, et qu’il ne tardera pas à les rejoindre s’il ne se dépêche pas de trouver une solution. Heureusement, il trouve la base et s’y réfugie. Mais là encore, autre problème : la connexion avec la Terre est très instable, et lui, il est tout seul sur cette base : deux bras ne vont pas suffire pour réussir à la maintenir à flot, et surtout échapper au soleil destructeur de la planète. Alors il n’a pas le choix : grâce à l’ordinateur quantique de la base, il crée un clone. Mais paradoxalement, son clone n’est pas comme lui : il a suivi un autre chemin de vie et ça lui confère des capacités différentes, tout autant qu’un caractère bien à lui. Le fameux effet papillon. Grâce à leurs compétences combinées à celles d’autres clones qui arriveront par la suite, les Jan Dolski vont tout faire pour survivre et trouver un moyen de retourner sur Terre.

Et c’est donc là que se mettent en place les mécaniques de The Alters : déjà la priorité, c’est de récupérer des ressources : des métaux pour la construction, des matières organiques pour se nourrir et fabriquer certains outils, le fameux rapidium… tout sert à quelque chose. Pour ça, on peut les ramasser en surface – mais ça s’épuise vite. La vraie solution, ce sont les extracteurs. Mais encore faut-il les alimenter, les connecter à la base via des sortes de poteaux électriques à la portée limitée, et trouver le bon endroit.

Une fois qu’on est à l’aise du côté de la production, il faut utiliser ces matériaux. Les métaux servent principalement pour la construction d’outils et de modules pour la base, parce que oui, il faut aussi gérer la base. En étant seuls, pas de problèmes de lits, mais une fois qu’on est deux, trois, quatre, et ainsi de suite ? Plus on est nombreux, plus la base doit suivre. Des lits pour se reposer, une cuisine pour se nourrir, des stocks pour éviter la pénurie… Chaque module compte. Et la place, elle, ne s’agrandit pas. Enfin si, mais pas au début. Et à côté de ça, il faut aussi penser à l’exploration : des piles pour la combinaison, des outils, des réserves. Parce que dehors, rien ne nous attend… à part des problèmes.

Et oui, l’exploration est aussi une mécanique centrale du jeu : il va falloir fouiller les moindres recoins autour de la base pour trouver des ressources, mais pas que. Enfin déjà, pour revenir encore sur ces histoires d’extracteur, avant de pouvoir les poser il faut scanner le dépôt pour trouver le bon endroit où le placer, à savoir là où il sera le plus efficace. C’est sans doute l’un des rares points négatifs du jeu que j’ai pu trouver : cette mécanique n’est pas du tout intuitive, elle nous fait perdre un temps fou alors que c’est aussi une ressource précieuse, mais ça, on en parlera plus tard. Mais ce scanner, c’est un peu l’enfer sur Terre, et plusieurs fois durant l’aventure j’ai perdu des dizaines de minutes à trouver l’emplacement exact en tournant autour sans m’en rendre compte, bref une tannée.

Et pour faire le tour des zones qui sont quand même relativement grandes, il va falloir faire de la grimpette, détruire des murs et combattre des anomalies quantiques qui veulent nous absorber. Oui, je sais à quel point ce que je viens de dire peut sonner bizarre, mais ce sont grosso modo les « ennemis » du jeu, qu’on peut réussir à vaincre via un outil très pratique appelé luminateur, qui sonne un peu comme un nom de jouet mais qui est indispensable à notre survie. Encore une fois, un planning bien chargé, qui va donc nous demander d’utiliser l’énergie de notre combinaison, qui descend très très vite. On aura donc besoin de piles, mais aussi de cartouches pour la perceuse, de bouclier… Bref, l’exploration de cette planète, c’est pas la rando tranquille du dimanche après-midi.

Et justement, on touche là un des meilleurs aspects du jeu : son ambiance. Cette planète est atrocement inhospitalière. On a l’impression que la mort nous attend à chaque tournant, on ne voit que des paysages tristes et ternes, vraiment tout nous repousse dans cet environnement. Et pourtant, il s’en dégage une étrange forme de beauté. Grâce aux nappes sonores, et ce calme presque surnaturel qui flotte dans le chaos. En fait, c’est simple, on se croirait dans un mélange entre Interstellar avec son côté métaphysique, et les œuvres de Stanisław Lem pour leur âpreté, leurs mondes désertiques et leur amour des combinaisons spatiales encombrantes. Ouais, ça a pas l’air rigolo de marcher avec ça.

Chez Lem, l’espace est aussi hostile qu’incompréhensible, et c’est exactement ce qu’est cette planète. D’ailleurs, si cette ambiance vous parle, je vous recommande de jeter un œil au jeu The Invincible, qui est l’adaptation directe d’un de ses romans, on retrouve cette même manière de peindre un monde qui nous dépasse. Sauf que dans The Alters, y a un truc en plus : le soleil, cette menace que l’on fuit, qui nous met une épée de Damoclès au-dessus de la tête tel un monsieur X en déambulateur, mais croyez-moi, on fait beaucoup moins les malins quand il s’approche.

Mais ça nous amène justement à la ressource la plus importante du jeu : le temps. Chaque action que l’on effectue, à l’exception des discussions avec les autres personnages, nous coûte du temps. Que ce soit aller récolter des ressources ou construire un outil, le temps file comme un fou quand on s’amuse. Et même quand on n’en fait rien d’ailleurs, puisqu’une seconde dans la vraie vie correspond à une seconde dans le jeu. Donc en cas de pause-pipi ou pause-café, faut bien faire attention à mettre son jeu en pause sous peine d’avoir perdu sa journée. Et perdre sa journée, sans aller jusqu’à dire que c’est gravissime, ça a un impact certain : The Alters n’est pas vraiment difficile, j’ai fini le jeu sans avoir aucun problème de ressources et j’ai toujours réussi à fuir le soleil au bon moment sans trop de stress, et ce, en jouant en difficulté normale. Mais quand même, on a toujours un petit coup de chaud quand on voit qu’il s’approche dangereusement et qu’il nous reste 1000 trucs à faire.

Dans l’ensemble, ça fonctionne très bien. Il y a toujours moult choses à faire. Parfois, on stagne un peu – il manque des ressources, alors on passe la journée à faire tourner un extracteur. Mais ces phases durent rarement très longtemps. Et surtout : on ne s’ennuie jamais vraiment. D’ailleurs, la progression est plutôt fluide aussi : je me suis toujours senti porté par le courant, jamais trop en avance ni trop en retard. Bref, voilà, aucune des mécaniques que je viens de vous présenter n’est poussée à son paroxysme, et les fans invétérés de jeux de gestion resteront peut-être un peu sur leur faim à ce niveau-là. Mais en fin de compte, c’est pas très grave. Parce que comme pour Frostpunk, la gestion c’est presque une justification pour autre chose. Pour nous mettre face à des choix difficiles, des situations inattendues et nous questionner sur notre moralité. Le plus important dans The Alters, ce sont les clones.

Quand on arrive à la base après le crash au tout début du jeu, on tente de communiquer avec la Terre. Bon, c’est pas très concluant, mais on capte une chose : on est en danger, et on doit agir vite. On récupère des ressources, on construit quelques modules, et on se rend vite compte d’une chose : on va jamais y arriver tout seul. Alors l’étrange interlocuteur avec qui on parle nous donne la solution : utiliser les données de l’ordinateur quantique pour créer un clone. Pas une réplique exacte de Jan, mais une réplique qui aurait fait d’autres choix de vies. Ces différences en entraînant d’autres en cascade, on finit par avoir une personne ayant des capacités et des connaissances totalement différentes du personnage de base.

Et c’est comme ça qu’au fil de l’aventure, on peut débloquer un Jan mineur – celui qui va dans les mines, pas l’enfant –, un Jan scientifique, un Jan botaniste, et ainsi de suite. Chacun a une personnalité propre, des envies distinctes, des objectifs particuliers, et ainsi de suite. La base se remplit de Jan, mais aucun ne ressemble à un autre. Et en plus, chacun nous réserve des petites surprises. Je ne vais vous en révéler qu’une, mais par exemple à un moment, on a la possibilité de regarder un film. Bon ça a l’air anecdotique dit comme ça, mais déjà c’est super drôle, et en plus ça donne vraiment l’impression de vivre en colocation avec toutes les versions de nous-même, ça rend la vie dans la base… vivante.

Le coeur du jeu, ce sont les clones

Les clones sont le cœur du jeu, au centre de sa proposition ludique comme de sa portée thématique. Bon en vrai je devrais dire les alters, mais j’ai l’impression de parler de muscu, donc je vais rester sur clone, même si c’est pas stricto sensu la bonne appellation. Bref, dans tous les cas, c’est fait avec brio. Ils ont beau être tous des Jan, aucun ne se ressemble. Déjà physiquement : chacun a son look, son accessoire – et j’avoue, j’ai bien ri en voyant débarquer le psy avec son bonnet. Mais surtout, ils incarnent des facettes bien distinctes de la personnalité du Jan d’origine. L’un est pragmatique, l’autre est sensible, etc. Ce qui veut dire qu’ils réagiront tous différemment à ce qu’on leur dit, et qu’il faut réussir à les cerner correctement pour ne pas entamer leur moral. Ils ont tous une façon de parler unique, des gestuelles différentes, des façons de voir le monde qui leur sont propres et des réactions variées face aux événements.

Forcément, on s’attache, mais plus que ça encore, on développe des préférences. Perso, j’adorais le scientifique et le technicien. Et y en a d’autres que je pouvais pas blairer. Le jeu ne permet pas de le manifester concrètement mais intérieurement, on fait des choix. Et c’est là que The Alters devient vraiment malin : il nous pousse à nous projeter, à identifier les parts de nous-même qu’on préfère ou qu’on rejette. En gros, ces clones, c’est nous, mais décomposé. The Alters ne demande pas seulement de survivre – il nous invite à réfléchir à qui nous sommes, à la personne qu’on aurait pu être, et avec quelle facette de nous-même on aurait aimé cohabiter si on devait se supporter soi-même tous les jours.

Mais c’est pas tout, parce que les gens sur Terre ne comptent pas pour du beurre non plus. Quelque chose nous frappe rapidement les concernant : on va vite entendre différents sons de cloches entre plusieurs personnes sur la marche à suivre, sans aucune base tangible pour savoir en qui avoir confiance. Va falloir y aller à l’instinct, et autant vous dire que ça va vraiment pas être facile. Pareil pour les clones d’ailleurs : ça devient clair assez rapidement qu’il faut en prendre soin, au risque qu’ils perdent en productivité voire qu’ils se rebellent contre nous. Et bien évidemment, ça serait trop facile sinon, on est régulièrement confronté à des choix sans aucune indication des conséquences potentielles.

Tiens, je vous donne un exemple : un de mes clones se plaint de douleurs. Bon, le pauvre gars je vais pas le laisser comme ça, donc j’accepte qu’il prenne des antidouleurs. Sauf que quelques jours plus tard, il a un accident. Rien de grave, mais le choix de dialogue m’indique que c’est sans doute lié à la prise des antidouleurs. Je m’alarme pas, je me dis que c’est un grand garçon et qu’il va être raisonnable. Sauf que le lendemain, encore un accident. Je persiste encore, parce que de toute façon le jeu me présente un choix binaire, et je continue à me dire qu’il va finir par être raisonnable et que de toute façon, je vais pas le laisser souffrir continuellement. Et c’est comme ça que quelques jours après, il a eu un accident fatal, et que j’ai dû charger complètement dégoûter une partie antérieure datant de plusieurs jours dans le jeu.

Là où je veux en venir, c’est que The Alters nous met constamment face à des choix impactants. On ne s’en rend pas forcément compte, on peut trouver une discussion anodine, et se rendre compte des heures plus tard des conséquences qu’elle engendre. Et bien entendu, ce ne sont jamais des choix avec une réponse évidente, c’est toujours cornélien. L’exemple cité le montre bien : en gros, je devais choisir entre laisser le gus souffrir sans rien faire pour éviter qu’il se blesse, ou bien prendre le risque que les antidouleurs le droguent au point où il n’est plus capable de faire son taf correctement. Et lui enlever ses antidouleurs, évidemment, ça le rend furieux, et ça entraîne d’autres choix à faire par la suite. Et là, je ne vous parle que des clones, mais il y a d’autres décisions à prendre que je ne vous présenterai pas pour des raisons évidentes de spoil. Mais croyez-moi sur parole, c’est vraiment impossible à anticiper, et surtout, on a toujours l’impression qu’il n’y a pas de bonne solution, seulement celle qui convient le mieux à nos valeurs morales.

Ceci dit, pour nuancer un peu, on fait aussi face à des faux choix, dans le sens où les mêmes conséquences arriveront qu’on choisisse A ou B. C’est parfois frustrant, parce qu’on imagine très bien une réponse C, mais le jeu reste binaire dans ce qu’il propose. On ne peut jamais totalement dévier de la trame principale qui est cousue de fil blanc. On reste sur des rails qui peuvent certes changer beaucoup de choses, mais jamais au point de partir totalement sur une autre voie. Il y a quand même plusieurs fins, et j’admets ne pas avoir exploré en profondeur toutes les possibilités offertes. Mais de ce que j’ai testé, notamment sur un choix spécifique, les conséquences étaient certes très différentes, mais… on arrivait toujours relativement au même point, avec des dialogues différents et un contexte différent. Concernant la fin, y a l’air d’y avoir pas mal de possibilités aussi, mais j’irais pas jusqu’à dire que le jeu possède beaucoup de rejouabilité, justement à cause de cette linéarité. Et comme les choix ont des conséquences sur le long terme, pouvoir accéder à toutes les fins demande presque de se retaper tout le jeu.

Dans tous les cas, l’écriture est fine et l’histoire est vraiment plaisante à suivre. Déjà parce qu’on veut savoir si on va réussir à se tirer de là, et si oui comment, et surtout parce que tous les personnages sont super attachants. Le concept de clone est relativement courant dans la SF, rien que dernièrement, on l’a vu à l’œuvre dans Mickey 17. Mais là, la complémentarité des persos, le fait qu’ils représentent tous une facette du personnage en étant pourtant différents, c’est vraiment une sensation unique, et encore plus dans le jeu vidéo.

Ça permet aussi d’aborder des thématiques assez différentes de d’habitude, notamment la notion de culpabilité autour des choix. On l’a tous vécu, ce moment où on sait qu’on a fait le mauvais choix, qu’on aurait pas dû faire ça, et ça nous hante des jours voire des semaines, et même des années dans le pire des cas. Quand Jan discute avec un clone de sa vie, ça nous interpelle nous en tant que joueurs et ça nous fait réfléchir à notre propre parcours. C’est un jeu très intimiste, qui explore les choix de vie, la façon dont nos relations nous impactent sur le long terme, les traumatismes qui nous hantent mais qu’on n’ose pas confronter. On se demande tous comment aurait tourné une situation en faisant un meilleur choix, et The Alters explore à fond cette question, et cerise sur le gâteau, de manière très intelligente.

Alors oui, je pourrais râler sur le fait que je me sentais toujours perdu en explorant et que j’aurais bien aimé avoir une boussole pour ne pas ouvrir la carte toutes les 15 secondes. Je pourrais râler sur cet ascenseur de ses morts qui m’a fait perdre un temps fou à toujours louper un étage, remettre une couche sur ce scanner, parler du fait que c’est pas à la pointe techniquement. Mais honnêtement, c’est une goutte d’eau de désagrément dans un océan de points positifs. The Alters réussit à mêler jeu de gestion, construction de base, relations avec les personnages, choix difficiles, narration prenante et une ambiance folle, et ça en fait mon jeu préféré de 2025 pour l’instant, juste derrière Clair Obscur.

Points positifs


L’aspect gestion bien réalisé
L’ambiance sombre
Le concept original
Les relations avec les clones
Les choix cornéliens
Un peu stressant mais pas trop

Points négatifs


Le scanner, pire mécanique
Mise en scène assez pauvre
La linéarité du scénario

8
Incroyable
Après This War of Mine ou Frostpunk, on avait peu de doutes quant à la capacité d’11 Bit Studios de nous faire vivre des situations uniques, des choix cornéliens, de nous mettre face à des situations extrêmes et surtout, de constamment nous interroger sur notre humanité. Et ils le font avec brio dans un cadre super original où tout - ou presque - est savamment maitrisé. Franchement, si vous êtes du genre à repenser à vos erreurs, à ce que vous auriez pu faire… alors ce jeu va probablement vous marquer autant qu’il m’a marqué.
DonBear

DonBear

Fondateur

DÉVELOPPEUR :

11 bit studios

ÉDITEUR :

11 bit studios

DATE DE SORTIE :

13 juin 2025

PLATEFORME :

PS5, Xbox Series et PC

PRIX À LA SORTIE :

34,99 €

Testé sur PC grâce à un code fourni par l'éditeur
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