Test Avowed : pertinent, mais pas là où on l'attendait

Published in Tests
March 17, 2025
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Lors des différentes présentations et trailers d’Avowed, j’ai souvent eu l’impression qu’il soufflait le chaud et le froid. D’un côté, on voyait les nombreux changements de direction d’Obsidian, qui ne semblait pas savoir où ils allaient avec ce jeu. Puis le combat avait l’air assez mou. Mais d’un autre, savoir que le jeu se déroulait dans l’univers de Pillars of Eternity laissait entrevoir un RPG au lore riche et aux mécaniques profondes. De quoi donc s’enthousiasmer… Sauf que, aussi surprenant que cela puisse paraître, le résultat se trouve à l’exact inverse.

Plutôt RPG ou immersive sim ?

Avant de m’aventurer plus profondément dans cette critique, il me faut vous faire un aveu : je ne suis pas un grand fan des jeux d’Obsidian. J’ai beaucoup apprécié Fallout New Vegas, mais Pillars of Eternity m’est tombé des mains – deux fois ! – à cause de pavés de textes trop verbeux à mon goût, malgré un univers qui m’attirait au plus haut point. Je ne suis pas non plus un grand fan de The Outer Worlds, qui camoufle selon moi un vide thématique derrière une satire trop grossière pour être appréciable. J’ai certes beaucoup apprécié Pentiment, mais c’est clairement un projet d’auteur qu’on peut classer à part. Donc, mes attentes envers Avowed n’était pas fondées sur la réputation de ses créateurs ou une quelconque nostalgie, mais bien sur les trailers et différentes présentations.

À mes yeux, Avowed ressemblait à un Skyrim très tourné vers l’action, enveloppé dans le lore des Pillars of Eternity, un lore riche et sans aucun doute transposable à un jeu qui cherche à recopier la formule des Elder Scrolls. Mais je ne pouvais être plus dans l’erreur. Avowed tient plus de l’immersive sim que du RPG.

Screenshot Avowed

Du moins, dans son gameplay. Ne vous attendez pas à créer un build spécifique grâce à un arbre de compétence touffu, vous amuser à forger et à passer des heures dans votre chambre d’alchimie, ou même à vous équiper de moult accessoires et devoir trier un inventaire rempli jusqu’à la moelle. Ici, on reste sur du RPG qu’on appelle généralement « light » : l’arbre de compétence est divisé entre les trois classiques, à savoir guerrier, mage et voleur et un dernier lié au statut d’être divin. Il en va de même pour l’équipement : quelques pièces qu’on peut améliorer et on est paré. Au moins, l’inventaire est facile à gérer et ne demande jamais de se perdre dans un menuing infini.

Cependant, le loot qu’on récupère à foison m’a laissé perplexe : l’exploration est l’un des points forts du jeu comme on va le voir juste après, mais le loot est toujours décevant. On récolte généralement de quoi crafter, mais comme le craft ne se base que sur quelques ingrédients, on tombe quasiment toujours sur la même chose. Si bien qu’au bout d’un moment, je ne regardais même plus ce que je récupérais. Même constat pour les armes et armures : je ne cherchais pas à créer un build optimisé avec ce que le jeu nous laisse de latitude, j’allais au plus simple sans trop réfléchir. Un peu dommage si on s’attend à un RPG.

La curiosité comme moteur

Sauf que la richesse d’Avowed ne se trouve pas dans sa composante RPG, justement. Et c’est à mon avis pour cette raison qu’il divise autant : beaucoup avaient des attentes mal placées. Parce que, autant le dire tout de suite, on est là sur une proposition agréable et divertissante. Moins profonde que les autres propositions du studio – à l’exception de Grounded – dans sa narration et dans ses mécaniques RPG, mais qui surprend sur d’autres points et qui bénéficie toujours d’un lore très riche qui nous immerge dans un vaste monde. Mais oui, en effet, il n’y a aucune interaction systémique : on peut très bien péter le mur d’une taverne sans que ça ne fasse ni chaud ni froid au tavernier. On peut très bien se poster devant un PNJ pendant une heure sans qu’il ne réagisse, et on est d’ailleurs très limité dans les discussions, dans le sens où on ne peut parler qu’à une minorité d’entre eux. On a pas de vol à la tire, de forgeage ou d’alchimie ; et même l’infiltration est vraiment très limitée dans sa proposition, plus proche d’un Assassin’s Creed que d’un Kingdom Come Deliverance 2. Avowed en a déçu beaucoup, car il n’est tout simplement pas ce qu’ils en espéraient, mais si on vient en sachant à quoi s’attendre, alors on peut y prendre du bon temps – sans être marqué à vie non plus.

Screenshot Avowed

Parce que du côté du level design et de l’exploration, Avowed fait très fort. Si vous aimez Dishonored, vous prendrez sûrement beaucoup de plaisir lors de la découverte de l’île des Terres Vivantes. Chaque lieu dispose de plusieurs entrées par lesquelles on peut se faufiler, la verticalité est impressionnante de maîtrise et c’est d’ailleurs l’un des rares jeux avec celui d’Arkane et Mirror Edge qui m’a donné beaucoup de plaisir lors des phases de plateforme. En règle générale, la vue FPS est souvent limitante, et même certains jeux à la troisième personne comme Stellar Blade se loupent complètement quand il s’agit de rendre notre personnage agile. Là, on saute d’une plateforme à une autre avec aisance, on progresse vite et bien, et c’est absolument remarquable. Alors oui, les plus tatillons se demanderont sûrement pourquoi une planche en bois se trouve à 15 mètres du sol à côté d’un vieux phare, mais une fois pris au jeu, on ne se pose plus vraiment la question. Dès qu’on voit quelque chose au loin d’un peu surélevé, on a qu’une seule envie : se trouver à son sommet.

Même en ville, c’est la même chose : on trouve quelques caisses empilées, on arrive sur un toit, et on découvre la ville autrement. L’exploration est par ailleurs toujours récompensée : un petit coffre par ici, un peu de narration environnementale par là, il y a toujours une récompense à la curiosité. À ce propos, les coffres émettent un bruit lorsqu’on s’en rapproche, ce qui peut gâcher le plaisir de la découverte ou rendre fou s’il est bien caché. Mais rassurez-vous, il est tout à fait possible de désactiver cette option.

Et même sans parler des récompenses matérielles, l’exploration offre la satisfaction de découvrir de magnifiques panoramas. S’il y a bien quelque chose qu’on ne peut retirer à Avowed, ce sont ces sublimes décors. Grâce à une direction artistique chatoyante, chaque zone dispose d’une ambiance bien à elle, mais toujours emplie de beauté. Les artistes ont eu carte blanche et ça se ressent. Alors non, techniquement, Avowed n’est pas au niveau des AAA récents. Mais il n’a pas non plus à rougir, car il est tout à fait correct à ce niveau-là. Et de toute façon, il vaut mieux un jeu avec une proposition artistique bien distincte, que du photoréalisme un peu loupé qui frôle la vallée de l’étrange. Parce que oui, n’oublions pas qu’Obsidian reste un petit studio, malgré sa réputation bien ancrée.

Des qualités inattendues

L’autre point réussi, ce sont les combats. On attendait pas du tout le studio sur ce terrain-là, ils offrent pourtant un jeu dynamique et plutôt surprenant. Qu’on se batte au corps-à-corps, à distance avec un fusil ou de la magie, les combats sont vifs, agréable en main et variés dans les approches possibles. Comme on peut s’équiper de deux sets d’armes, il est tout à fait possible de jouer un guerrier magicien qui bourrine avec tous ses sorts de zone et finit le combat en rentrant dans la mêlée avec son épée à deux mains. L’esquive est très très forte dans le jeu, dans le sens où vous pouvez avoir tout misé sur la magie, rien sur la défense ou le nombre de points de vie, et vous en sortir sans trop de bobos malgré tout.

Screenshot Avowed

Ceci étant dit, j’ai pu constater deux problèmes, le premier étant perceptible dès le début et le deuxième au bout d’une dizaine d’heures de jeu. Déjà, les adversaires sont régulièrement des gros sacs à PV, notamment les boss : on a vraiment l’impression de les chatouiller et certains combats prennent de longues minutes à se terminer. Quelques-uns ont des patterns intéressants et les combats sont bien mis en scène, mais ils s’éternisent à cause de leur nombre de points de vie qui n’exige pas de stratégie particulière, simplement de bourriner encore et encore. Pire, ils prennent parfois des potions pour faire durer l’attente ! Ça en devient presque rageant. Par ailleurs, les ennemis n’étant pas adaptés à notre niveau, mais déterminés par la zone où ils se trouvent, il est possible de tomber sur de simples adversaires contre lesquels on ne fait aucun dégât. On peut y venir à bout en étant vigilant grâce au pouvoir de l’esquive, mais il faut là encore s’armer d’une infinie patience pour les terrasser. Dommage, car la base du combat est agréable, mais éreintante à la longue.

Et quand on cumule ça avec le deuxième problème, on en arrive parfois à pester. L’un des plus gros soucis que j’ai rencontré lors de mon aventure, c’est la répétitivité. Chaque zone est différente, le bestiaire est relativement varié, l’histoire et les quêtes secondaires sont le principal moteur, mais malgré tout Avowed finit par tourner en rond. Que ce soit lors des affrontements ou de l’exploration, on finit par toujours tomber sur les mêmes schémas, les mêmes éléments qu’on connaît. Une fois qu’on a fait le tour des expérimentations niveau armes, qu’on a exploré quelques lieux et qu’on a compris la logique, la surprise n’est que rarement de mise par la suite. Là encore, c’est dommage, car la base est excellente dans les deux cas, mais une certaine lassitude peut finir par prendre le dessus si on n’accroche pas suffisamment à l’histoire. Et là aussi, il y a des choses à dire.

Une bonne histoire, mais…

Avowed nous place dans la peau d’un émissaire de l’empereur d’Aedyr, envoyé sur l’île des Terres Vivantes pour enquêter sur une mystérieuse épidémie, le Malrêve. L’île, conquise par Aedyr, est un peu particulière : elle est principalement habitée par des gens peu recommandables. Des exilés, des criminels, et toute sortes de cas à part : la population locale tend surtout à vivre comme un peuple libre, et forcément notre accueil laisse légèrement à désirer. D’autant plus que la situation est complexe : les différents pouvoirs en place luttent entre eux pour appliquer leur politique en priorité. Ainsi, on va devoir trancher et nous imposer dans ce bourbier, avec en plus la présence d’un étrange dieu qui a fait de nous un être divin. Ajoutons à ça un groupe de rebelle qui cherche à nous assassiner, et nous voilà donc aux abords d’un scénario qui s’annonce dense.

Et il l’est, en quelques sortes. Il se passe beaucoup de choses dans Avowed. Fort de sa qualité d’écriture, Obsidian ne déroge pas à la règle et nous propose des tunnels de dialogues interminables d’une verbosité qui ne plaira pas à tout le monde. Personnellement, j’ai beaucoup plus accroché qu’avec Pillars of Eternity : certes ça blablate beaucoup pour ne finalement pas dire grand-chose, mais l’incroyable richesse de l’univers me donnait envie d’en savoir plus. Les doublages sont de bonne qualité, même si les dialogues sont vraiment très rigides, on se croirait sur un jeu Bethesda. Rien de bien dérangeant, mais ne vous attendez pas à du The Witcher.

Screenshot Avowed

Non, le principal problème que j’ai avec le scénario, qui est relativement intéressant à suivre nonobstant, c’est qu’il ne va jamais aussi loin qu’il le pourrait. Avec un cadre comme celui d’Avowed, on serait en mesure d’attendre un traitement pertinent de thématiques comme l’impérialisme, l’exclusion sociale et les inégalités qui en découlent, le rapport à l’urbanisme, l’obscurantisme, la façon dont la foi peut façonner la vision du monde, et ainsi de suite. Mais non, finalement, rien de tout ça. Enfin, si, mais jamais de manière aussi pertinente qu’on serait en droit de l’espérer. Et ce ne sont pourtant pas les occasions qui manquent, ni les lignes de dialogues ! À la place, on a régulièrement du bavardage peu intéressant, qui sonne creux. Avowed m’a donné l’impression de voir un pseudo-intellectuel appréciant brasser de l’air, sans jamais oser s’attaquer frontalement aux sujets qu’il survole.

C’est un peu à l’image des compagnons. Ils sont bien caractérisés, certains comme Kai arrivent dès le début de l’aventure, et pourtant… Rien. On dirait des coquilles vides avec des parcours pré faits d’une campagne de JdR de mauvais goût. Ils ne suscitent aucune émotion, aucune empathie. Ils sont là, on leur parle – seulement au camp, ça limite pas mal les interactions –, on leur donne des ordres durant les combats, mais ils sont inintéressants au possible. On est très très loin de l’empreinte que peuvent laisser un Garrus, une Tali ou un Mordin dans les Mass Effect. La comparaison ne s’arrête pas là, puisque Kai et Garrus ont tous les deux le même doubleur. Et pourtant, l’un restera ancré dans ma mémoire pour toujours, tandis que l’autre en a presque disparu une fois le jeu terminé.

Et pourtant, Obsidian s’est donné du mal pour donner de la profondeur aux conséquences de nos choix. Ça peut aller à la mort d’un PNJ que l’on a poussé à se dénoncer, jusqu’au comportement de factions entières. Avowed est bourré de bonnes idées de ce côté-là, et j’ai à plusieurs reprises hésité face à un choix pas évident. Les fins sont très différentes en fonction de nos choix, et globalement, on ressent l’impact d’un simple dialogue. Sauf au début, où vraiment, j’ai été très surpris par les dialogues qui dépendent d’une caractéristique alors que ça n’a ni queue ni tête. Exemple typique : en me promenant en ville, je croise un couple en train de pleurer. Lorsque j’enclenche le dialogue, le premier choix correspond : « [Perception 2/1] Ça ne va pas ? ». D’accord, un point ce n’est pas grand-chose, mais a-t-on vraiment besoin de perception pour percuter ? N’est-ce pas évident que quelque chose ne va pas si quelqu’un est en train de pleurer ? Des réponses liées à une caractéristique dans ce genre-là, on en a beaucoup au début, et c’est vraiment risible. Heureusement, le jeu s’améliore au fur et à mesure et propose des choix de dialogues plus pertinents par la suite.

Points positifs


Les magnifiques panoramas
Le level design
L’exploration
Les combats
Le lore riche
Les choix et conséquences

Points négatifs


Les dialogues rigides
Les compagnons
Le scénario finalement assez creux
Répétitif
Le craft
L’aspect RPG en retrait

6
Sympa sans plus
Avowed n’est pas un mauvais jeu, loin de là. Il coche des cases inattendues pour un jeu Obsidian, comme le dynamisme du gameplay, la verticalité du level design ou le plaisir de l’exploration. Mais à côté de ça, l’expérience m’a semblée fade. Le scénario est sympathique, le décor enchanteur, et on prend plaisir à y jouer. Mais il reste trop en surface : aucune thématique n'est vraiment approfondie, et les compagnons sont des coquilles vides. Avowed restera-t-il dans les mémoires ? J’en doute. Mais ça n'enlève rien au plaisir de jeu, si on sait où on met les pieds.
DonBear

DonBear

Fondateur

DÉVELOPPEUR :

Obsidian

ÉDITEUR :

Xbox Game Studios

DATE DE SORTIE :

18 février 2025

PLATEFORME :

Xbox Series X|S et PC

PRIX À LA SORTIE :

69,99 € (dispo sur le GamePass)

Testé sur PC grâce à un code fourni par l'éditeur
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