Test Oblivion Remastered : un jeu culte toujours pertinent ?

Published in Tests
June 15, 2025
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Les rumeurs grandissaient, et personne ne savait si on pouvait s’y fier. Mais quand Oblivion a été annoncé et disponible dans la foulée, ça a fait pas mal d’émules. Un shadowdrop qui a dû faire peur à certains, notamment les devs de Sandfall Interactive qui sortaient Clair Obscur deux petits jours plus tard. Bon, heureusement, ça s’est bien fini pour tout le monde puisque les deux jeux ont bien marché. On peut même dire que le remaster d’Oblivion a cartonné : plus de 100 000 joueurs sur Steam dès le premier jour, alors qu’il est disponible sur le Game Pass ! Mais au-delà de la nostalgie, est-ce qu’un jeu vieux de presque 20 ans est encore pertinent aujourd’hui ?

Un jeu culte, mais vieillissant

On ne présente plus Oblivion, quatrième opus des Elder Scrolls et succès énorme de la Xbox 360. Lors de sa sortie en 2006, ça a été une petite révolution. À l’époque, on n’avait jamais vu ça : un monde ouvert aussi vaste, aussi détaillé, avec ces paysages chatoyants, ces donjons qui nous intriguaient, et des centaines de personnages qui vivaient leur petite vie grâce à la fameuse IA dite “radiant”, censée leur permettre de manger, dormir, se balader, et même interagir entre eux de manière semi-autonome. En somme, avoir un comportement réaliste et une routine. Bon, c’était pas vraiment ça, mais y avait de l’idée. Aujourd’hui, ça paraît banal, mais en 2006, ça a bousculé l’industrie.

Oblivion impressionnait aussi par ses ambitions : toutes les lignes de dialogue étaient doublées, même si honnêtement, ça tournait vite en rond. Les guildes proposaient de vraies histoires à embranchements, et on pouvait littéralement devenir ce qu’on voulait. Mage, voleur, assassin ou aventurier paumé qui fait la cueillette dans les bois. C’était une époque où les RPG étaient encore un peu rugueux, mais Oblivion réussissait à rendre ce genre accessible, spectaculaire, presque cinématographique, sans jamais renier sa richesse.

Et justement, cette richesse, on la retrouvait dans le gameplay, aussi bancal qu’il pouvait être. Le système de progression par compétence – plus on court, plus on devient rapide ; plus on saute, plus on saute haut – incitait à des comportements absurdes, mais force est d’admettre qu’il y avait un plaisir très particulier à voir son personnage s’améliorer organiquement, très éloigné des systèmes actuels basés sur des arbres de compétences. Le système de création de sorts permettait des combinaisons délirantes, et les combats, s’ils étaient rigides, montraient une certaine brutalité : ça tapait fort, ça criait. Parfois ça marchait pas, mais on y croyait.

Et plus que ça encore, Oblivion, c’est surtout une ambiance. Une lumière douce, presque irréelle, qui baigne les collines de Cyrodiil. Des matins brumeux sur les lacs, des ruines elfiques perdues au milieu des forêts, et ce calme si particulier qu’on ne retrouve plus beaucoup aujourd’hui. On ne se sentait jamais agressé par le jeu, on avait le temps. C’est un RPG contemplatif, presque pastoral par moments. Même les portails vers Oblivion – qui nous emmènent dans des dimensions infernales – sont autant de respirations dans une aventure qui prend le temps de se déployer.

Et puis, il y a la musique. Jeremy Soule a composé une bande-son devenue mythique, à base de cordes épiques et de nappes mélancoliques. Ce n’est pas qu’un fond sonore : c’est la voix du jeu, celle qui vous chuchote que chaque balade dans la plaine peut devenir une aventure, que chaque ruine au loin mérite d’être explorée. Encore aujourd’hui, quelques notes suffisent à faire remonter tout un pan de souvenirs : l’excitation d’entrer pour la première fois dans la Cité Impériale, la peur des premières apparitions de la Confrérie Noire, les longues cavalcades à travers la vallée de Nibenay.

Oblivion, c’était un jeu à la fois massif et accueillant. Plus clair et lumineux que Morrowind, moins dirigiste que ce que deviendra Skyrim, il représentait une forme d’équilibre. On pouvait s’y perdre pendant des heures, et toujours avoir l’impression de n’avoir effleuré qu’un pourcentage infime de ce que le monde avait à offrir. Oblivion, c’est ça : une madeleine de Proust pour des millions de joueurs. Un peu cassé, un peu vieillot, mais profondément attachant. Et c’est ce souvenir-là que le remaster tente de réveiller.

Un monde splendide figé dans le passé

Je ne vais pas vous mentir : quand j’ai lancé Oblivion Remastered, j’ai eu un petit frisson. Celui qu’on ressent quand on retourne quelque part après des années. J’ai retrouvé cette lumière si particulière qui baigne les collines de Cyrodiil, ces forêts denses qu’on traverse à cheval en écoutant la musique de Jeremy Soule, ces ruines ayleides perdues au milieu des bois… Techniquement, c’est vraiment impressionnant. Le moteur d’origine est largement amélioré : reflets dans l’eau, ombres dynamiques, feuillages plus denses, distance d’affichage accrue. Oui, Oblivion Remastered est sublime. On retrouve même un certain émerveillement à galoper dans les plaines, à observer le coucher du soleil sur la Tour blanche de la Cité Impériale.

Du moins… sur l’aspect technique. Pour une raison que je ne m’explique pas, la direction artistique est devenue vraiment plate. Là où l’Oblivion original avait une identité lumineuse très marquée – presque trop saturée par moments, mais immédiatement reconnaissable – cette version remasterisée opte pour une palette plus terne, plus réaliste peut-être, mais aussi beaucoup plus fade. Le rendu est plus propre, certes, mais il a perdu en caractère. Tout se ressemble un peu plus, les environnements sont plus homogènes, presque lissés. Et ce qu’on y gagne en réalisme, on le perd en personnalité.

Et le pire, c’est que l’optimisation non plus n’est pas à la hauteur. Même sur ma machine qui tient pourtant bien la route grâce à une RTX 3080, le framerate s’est avéré instable. Ce n’est pas injouable, loin de là, mais ça casse l’immersion. On se demande comment un jeu de 2006, même remasterisé, peut encore autant tirer sur la corde en 2025. D’autant plus qu’on se tape énormément de temps de chargement. Alors oui, il s’appelle Oblivion Remastered et pas Oblivion Remake, donc le jeu n’a pas été retravaillé en profondeur pour régler ce problème, mais justement.

Parce que oui, Oblivion reste un jeu de 2006. Et si les graphismes ont été remis à jour, tout le reste, ou presque, est resté figé. C’est peut-être là le paradoxe de ce remaster : on a remis une belle couche de peinture sur une structure qui, elle, accuse sérieusement son âge.

Dès les premières heures, les mécaniques montrent leurs limites. Le système de progression, basé sur l’usage des compétences, pousse à adopter des comportements absurdes. On saute en boucle pour améliorer son athlétisme, on se fait taper dessus pour monter son armure lourde… Rien n’est guidé, rien n’est clarifié. Et même si ça avait un certain charme à l’époque, aujourd’hui, ça paraît tout simplement archaïque. Ca brise totalement le role play. Je n’incarnais pas mon personnage, j’étais bien moi-même en tant que joueur qui voulait optimiser à fond les statistiques de mon personnage. Ce qui était original en 2006 est devenu frustrant en 2025.

Quant aux combats, ils manquent de feedback. On tape dans le vide, on sent à peine l’impact, l’IA des ennemis est d’une simplicité désarmante, et le feeling général manque cruellement de consistance. À côté, Skyrim, pourtant pas un modèle de précision, semble dix fois plus fluide et moderne. Même les menus, qui ont pourtant été partiellement retravaillés, conservent une logique lourde, mal adaptée au combo clavier‑souris. On passe son temps à naviguer dans des listes déroulantes, à chercher des infos de base, ou à essayer de comprendre pourquoi telle compétence a soudainement baissé. Rien n’a été pensé pour simplifier l’expérience ou la rendre plus intuitive.

Enfin, si, quelques légers changements améliorent l’expérience. Déjà, la possibilité de sprinter a été ajouté, ce qui rend les déplacements bien plus dynamiques. Le système de leveling a été légérement revu, parce qu’il faut bien admettre que celui de l’original était aussi absurde que rigide. Le level scaling a été rééquilibré pour éviter les montées brutales en difficulté. Ca ne change pas radicalement les sensations de jeux, ce sont de petits plus sympathiques.

Mais ça n’efface pas le vrai scandale du jeu, à savoir l’absence totale de version française doublée. Un jeu Bethesda, racheté par Microsoft, qui est – si besoin est de le rappeler – l’une des entreprises les plus riches du monde… et on obtient un jeu sans VF. Le nombre de lignes de dialogue est certes colossal, mais ça l’était déjà en 2006 et ça ne les avait pas empêchés à l’époque. Aujourd’hui, on doit une fois de plus se reposer sur les moddeurs, qui font, comme toujours, le travail à la place du studio. Et ça devient fatigant, surtout qu’ils ont les moyens de faire mieux que ça.

D’autant que Bethesda ne s’est même pas donné la peine d’intégrer un outil pour faciliter leur travail. Pas de prise en charge officielle des mods, pas de création simplifiée ou de support amélioré. Rien. Alors oui, on a l’habitude. Mais quand un remaster sort en 2025, qu’il est vendu comme une version premium, et qu’il s’adresse à un public international, ne pas proposer un doublage français ou a minima une aide aux créateurs de contenu communautaire, c’est au mieux paresseux, au pire méprisant.

Et c’est peut-être ça, le vrai problème de Oblivion Remastered : il ne cherche pas à moderniser le jeu pour le rendre plus accessible à un nouveau public. Il se contente de le faire revivre pour ceux qui l’ont connu. Et dans cette logique, il remplit son contrat. Si vous avez joué à Oblivion à l’époque, vous retrouverez exactement les mêmes sensations. Vous saurez contourner ses absurdités, ses lenteurs, ses systèmes mal fichus. Vous saurez où aller, quoi faire, comment éviter les pièges du leveling automatique ou les quêtes un peu pétées. Bref, vous saurez aimer le jeu malgré ses défauts.

Mais pour un nouveau joueur, c’est une autre histoire. Quelqu’un qui découvre Oblivion en 2025, sans bagage affectif, risque de vite déchanter. Le rythme est lent, les dialogues figés, les mécaniques souvent bancales, et les combats d’une mollesse qu’on n’accepte plus aujourd’hui. Même en allant chercher du côté des RPG récents les plus critiqués – Starfield en tête – on se rend compte à quel point le genre a évolué. Oui, Starfield a ses lourdeurs, son écriture artificielle et ses menus absurdes, et croyez moi quand je vous dit que je l’ai encore en travers de la gorge. Mais au moins, il bénéficie d’une interface moderne, d’un confort de jeu actuel, et d’un moteur qui tourne sans tousser. À côté, Oblivion Remastered donne l’impression d’un jeu qui n’a pas bougé depuis 2006, sauf pour sa plastique. Et si la nostalgie suffit à lui pardonner bien des choses, elle n’efface pas ce sentiment constant de raideur, d’inertie, de design poussiéreux.

Points positifs


Techniquement sublime
L’ambiance si particulière d’Oblivion
Les musiques toujours aussi marquante
L’exploration toujours aussi plaisante
L’expérience est fidèle à l’esprit de 2006

Points négatifs


L’optimisation aux fraises
Les mécaniques de jeu datées
L’interface pas assez retravaillée
La direction artistique plus terne
L’absence de VF
L’expérience est fidèle à l’esprit de 2006

7
C'est chouette
Oblivion Remastered, c’est un peu comme retrouver un vieil album photo restauré en 4K. C’est plus net, plus beau, mais ce sont toujours les mêmes clichés, figés dans le temps. Si vous avez grandi avec ce jeu, vous passerez sans doute un très bon moment. Mais si vous espériez y découvrir un RPG aussi fluide, immersif et dense que ce que la série a pu proposer depuis (en gros, Skyrim), vous risquez une vraie douche froide. Un bel hommage, oui. Mais un hommage qui s’adresse d’abord à ceux qui n’ont jamais quitté Cyrodiil.
DonBear

DonBear

Fondateur

DÉVELOPPEUR :

Bethesda et Virtuos

ÉDITEUR :

Microsoft

DATE DE SORTIE :

22 avril 2025

PLATEFORME :

PS5, Xbox Series et PC (dispo sur le Game Pass)

PRIX À LA SORTIE :

49,99 €

Testé sur PC grâce à un code fourni par l'éditeur
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