Vous feriez comment pour créer le jeu de vos rêves ? Hidetaka Miyazaki, le créateur des Souls, a fini par trouver la réponse à cette question. Elle tient en deux mots : Elden Ring.
Depuis la PlayStation 1, FromSoft crée des jeux de qualité plus ou moins variable. Pas qu’un peu d’ailleurs, puisqu’on parle quand même d’un jeu Hello Kitty sur mobile, d’un jeu sur Kinect, des jeux de mecha avec la série Armored Core ou encore un des tout premier jeu sorti sur PS1 au Japon, King’s Field. En gros, c’est un studio qui fait son bonhomme de chemin avec presque une centaine de jeux à son actif, mais qui n’est pas non plus sous les feux de la rampe. Tout bascule lorsque Sony vient les voir en 2006, avec l’objectif de contrer le succès phénoménal d’Oblivion. Ainsi débute le développement de Demon’s Souls, chapeauté par le désormais célèbre Miyazaki, qui a laché son boulot de comptable à 30 ans pour devenir développeur.
Mais à l’époque, c’était pas gagné, parce que Demon’s Souls est un échec à sa sortie au Japon. Sa sortie en Occident change la donne, et permet accessoirement de donner le feu vert à un autre jeu dans le même genre. Ainsi débarque Dark Souls en 2011, puis ses suites Dark Souls 2 et 3. On a aussi eu Bloodborne sur PS4 qui a ravit les fans de Lovecraft et de gameplay bourrin. La réputation de Miyazaki et de FromSoft ne font que grandir, pour devenir l’un des studios préférés des joueurs. Chaque jeu est un succès aussi bien critique que commercial. Et c’est aussi une pression de plus en plus grande, car chaque nouveau jeu est attendu par une communauté qui grossit d’années en années.
C’est là qu’on arrive en 2016. On est quelque mois après la sortie de Dark Souls 3, et Miyazaki réfléchit à la suite. Il veut faire un jeu d’envergure. Un jeu centré sur l’exploration, un jeu où les niveaux ne se limiteraient pas à des couloirs. En gros, appliquer la formule des Souls à un monde ouvert. Le développement commence en juin 2016. ***Nom de code : Grande Rune, un jeu en monde ouvert qu’on parcourera accompagné d’une fidèle monture. Dans un univers inspiré de la mythologie nordique, on devra aller de royaume en royaume pour tuer leurs dirigeants et voler leurs pouvoir. Cette fois, on revient à de la dark fantasy, contrairement aux univers de Sekiro et Bloodborne. Voilà le pitch initial d’Elden Ring*.
Sauf que pour resituer un peu, en juin 2016, les DLC de Dark Souls 3 ne sont pas encore sortis et Sekiro n’est même pas encore annoncé. Et du coup, Miyazaki va être directeur sur deux jeux développés en même temps. C’est vraiment pas courant dans l’industrie, en tout cas à ma connaissance. Parce que forcément, ça demande d’avoir une vision d’ensemble immense et une organisation digne de la maison qui rend fou. Mais faut dire aussi qu’il est coutumier du fait, puisqu’il l’a déjà fait pour Bloodborne et Dark Souls 3. Et évidemment, il n’est pas tout seul.
Le processus de développement [d’Elden Ring] a été le même que pour Sekiro. J’assigne des co-directeurs pour chaque projet, tout en conservant la direction sur différents aspects du game design, de l’art ou de la musique des jeux. […] Être capable de partager ma vision avec les co-directeurs et l’équipe de développement nous ont permis de créer une relation de confiance, rendant possible ce genre de développement.
Pour Elden Ring, c’est Yui Tanimura qui obtient le rôle de co-directeur. Et son nom vous dit peut-être rien, mais vous le connaissez, ou en tout cas vous connaissez un de ses jeux. Grosse surprise, mais oui, le directeur du jeu le moins aimé des production FromSoft est aussi le directeur du plus aimé. Bon en vrai son rôle dans le développement de Dark Souls 2 est plus compliqué que ça en a l’air, mais je vais pas rentrer dans le détail, on verra ça une prochaine fois.
Miyazaki va donc co-diriger le projet avec Tanimura, tout en étant directeur sur Sekiro à côté, en plus d’être aussi le président de FromSoftware, rôle qu’il obtient en 2014. Trois casquettes en même temps, et toutes les responsabilités qui vont avec. Et pourtant, il tient à s’investir pleinement dans le développement des jeux. Faut savoir que les Souls sont vraiment des jeux d’auteurs, dans le sens où ils correspondent à la vision d’une personne en particulier. Bien sûr que les équipes apportent leur propre créativité, mais c’est toujours Miyazaki qui a le dernier mot. Plus que ça encore, il participe activement dans absolument tous les domaines.
Je conçois que mon approche du role de game director est légérement différente de celle des autres. Je l’appelle la direction totale. Ca signifie que j’ai un contrôle total sur la façon dont le jeu est crée, pas seulement sur le level design mais aussi sur la musique et tout le reste.
Ce qui veut dire que le moindre élément créé pour le jeu doit être validé par Miyazaki. Le moindre design, le moindre élément de gameplay, toutes les musiques, et ainsi de suite. Il laisse bien sûr la liberté aux gens de son équipe d’imaginer ce qu’ils veulent, mais ça reste lui qui a le dernier mot, même sur le plus infime détail. Et ça va d’ailleurs plus loin que ça : c’est lui qui nomme tous les personnages dans chacun de ses jeux, et pire que ça encore, c’est lui qui écrit TOUS LES TEXTES. Les descriptions d’objets, les dialogues, le nom des lieux, le nom des monstres, même le texte dans les menus, il écrit TOUT. C’est même lui qui choisit la police d’écriture. Et il le dit lui-même, des spécialistes feraient mieux, mais comme il introduit des changements même à la toute dernière minute et qu’il ne veut pas pressuriser les équipes plus que nécessaires, il dit qu’il vaut mieux que ce soit lui qui s’en charge.
C’est aussi lui qui s’occupe de la construction des niveaux. Pour Miyazaki, c’est le cœur même du jeu. C’est d’ailleurs l’un des premiers éléments à être créé : une fois que c’est fait, lui et ses équipes peuvent réfléchir à ce qu’il se passe dans chaque zone. Et c’est aussi lui qui imagine l’univers et le scénario. Il contribue activement au game design évidemment, il contribue au visuel des monstres, des armures, et même des lieux, et il participe aussi à la direction des acteurs pour la motion capture. Par exemple, la cinématique d’introduction de Dark Souls a demandé un énorme travail parce que Miyazaki intervenait sur le moindre détail. On parle souvent d’Hideo Kojima comme un créateur exceptionnel parce qu’il est doué dans les différents processus de création, et Miyazaki semble être fait du même bois.
Après, attention, je ne dis pas qu’il est tout seul à créer les jeux. Sans ses équipes pour appuyer sa vision créative, les Souls ne seraient pas ce qu’ils sont. Mais ce qui est intéressant avec Miyazaki, c’est qu’il semble être aussi un très bon directeur, à l’écoute des designers et des développeurs. Durant le développement de Dark Souls 1, quand Miyazaki voulait obtenir les visuels d’un objet, il utilisait une méthode assez originale. En gros, il demandait aux designers de dessiner des croquis à partir de mots vagues. En général, les descriptions étaient assez floues pour que le designer puisse se laisser aller à son imagination. Par exemple, pour un équipement, Miyazaki pouvait dire : « quelque chose auquel on aurait envie de confier sa vie sur le champ de bataille, qui dégage une impression de victoire, de vie ou même de mort, quelque chose qui donnerait l’impression d’une prière sincère… » ou des termes plus conceptuels encore comme « les ténèbres ». Si ça ne marchait pas, il revenait avec des consignes plus concrètes. On pourrait croire que cette façon de faire aboutirait à un joli bordel dû à la différence de style de chaque designer, mais Miyazaki pense au contraire que c’est ce qui apporte de la richesse à l’univers.
Il pousse même le bouchon encore plus loin, en appliquant une méthode que je n’ai jamais entendu ailleurs. Pour donner ses directives, il donnent à chaque équipe un document qui contient différentes informations. Sauf que chaque département reçoit un document avec des explications différentes. L’équipe qui s’occupe des combats et l’équipe des designer ont des documents qui ne racontent pas la même histoire.
J’essaye de leur proposer le document qui correspond le plus à ma vision de leur discipline. Toutefois, ils ne s’en servent que comme support. S’ils suivaient les consignes mot à mot, ça réduirait leur imagination. C’est la même chose avec les développeurs : leur imagination grandit en développant le jeu, tout comme celle du joueur grandit en jouant, c’est la clé. Mais évidemment, ils ne peuvent pas s’empêcher de partager les documents entre eux, et découvrent des contradictions parce qu’ils existent des incohérences entre les documents. […] Mais à la fin, nos équipes croient que tout suit un but cohérent. Des contradictions arrivent durant le développement, mais à la fin, tout est à sa place. Ils croient en moi.
Au-delà de sa vision d’auteur et des idées bien précises qu’il a en tête pour ses jeux, Miyazaki est surtout quelqu’un qui comprend l’importance du travail d’équipe. Il comprend qu’on enrichit sa propre pensée en la partageant avec d’autres, en créant du débat et des échanges. Et personnellement, c’est sans doute cet aspect que je respecte le plus chez lui.
On discutait à propos du monde, de la vie, de la mort, du feu et du rôle des quatre rois. En discutant avec les artistes, j’ai découvert que non seulement ça les aidait à développer leurs idées, mais que ça m’a vraiment aidé à étoffer mes propres idées sur le monde que je voulais créer.
Je discute de pleins de choses avec mes designers. Nos jeux se concentrent beaucoup sur la mort, mais qu’est-ce que la mort ? A quoi ressemble-t-elle ? Qu’est-ce que signifie être mort dans ce monde ? Qu’est ce que la mort et la vie signifient ? Ce sont des sujets dont on discute beaucoup. Les gens ont tous une définition différente de la beauté. On a des conversations profondes sur ce que doit être la beauté dans nos jeux.
Il n’y avait pas d’intermédiaire entre Miyazaki et les équipes. N’importe quel designer ou développeur de l’équipe allait le voir directement pour valider un concept ou une fonctionnalité. Mais tout ça… c’était avant. Quand il devient président du studio en 2014, Miyazaki obtient de nouvelles responsabilités qui prennent du temps. Et étant directeur à la fois sur Sekiro et Elden Ring, avec toujours seulement 24h dans une journée, il ne peut plus s’investir autant. Surtout qu’Elden Ring est un jeu très ambitieux, avec une quantité astronomique de contenu. Et forcément, ça se répercute sur la façon dont le jeu est développé. L’organisation change, avec cette fois un chef d’équipe qui fait remonter les infos à Miyazaki. Il garde une vision globale des différents éléments, mais n’a plus un contrôle aussi précis sur chacun d’entre eux.
Au point même où par exemple, le visuel d’un élément aussi fondamental que l’arbre monde a été imaginé sans qu’il ne donne de directives. Pareil pour les legacy donjon, les donjons linéaires qu’on peut trouver ici et là dans le jeu. S’il a bien sûr donné des consignes sur des sujets plus abstraits comme les thématiques abordées, c’était impossible pour lui de vérifier chaque micro détail. Après, ça ne l’empêche pas de travailler activement sur le jeu, et il a déclaré dans une interview avoir écrit pas mal d’éléments du jeu. Mais ce qu’il appelait auparavant la direction totale n’existe plus sous cette forme, en tout cas à l’heure actuelle.
Et Elden Ring, c’est aussi le premier jeu qui inclut le travail d’écriture de quelqu’un d’externe à FromSoft. Un auteur un peu connu… Je sais pas si vous en avez entendu parler ? Autant dire que quand ça a été annoncé officiellement, ça a fait l’effet d’une bombe.
Si George R.R Martin est désormais connu de tous grâce à la série Game of Thrones qui adapte sa saga du Trône de Fer, faut savoir que c’était déjà un écrivain prolifique bien avant ça, et pas que dans la fantasy. Il a aussi écrit de la science fiction par exemple, et plus globalement, il a publié énormément de romans. Ses œuvres dépeignent des univers riches, des intrigues complexes, des personnages ambivalents et tout ça dans des histoires qui ont souvent leur lots de surprises. En gros, il connaît bien son affaire.
Miyazaki est un fan de Martin. En fait, c’est même un gros fan. Beaucoup de gens ont été surpris lors de l’annonce, mais Miyazaki a déclaré plusieurs fois son admiration pour son travail. Il le disait déjà en 2012, il a cité entre autres Le Trône de Fer et Rêve de Fevre quand on lui a demandé en 2016 ce qu’on pourrait trouver comme romans dans sa bibliothèque. Pour un jeu aussi vaste qu’Elden Ring, que ce soit en termes de carte ou d’univers, c’était finalement un choix assez cohérent.
Comme Miyazaki conseillait de lire Rêve de Fevre à tout le monde chez FromSoft, son amour pour Martin est bien connu dans la boite. Au point où c’est arrivé aux oreilles de Eiichi Nakajima, le directeur côté business de FromSoft. On est en 2015, avant même que le développement ai commencé, et Nakajima a l’idée un peu folle de proposer à Martin de bosser sur leur prochain jeu, en s’attendant évidemment à être recalé, voire à se faire ghoster. Mais l’auteur accepte de rencontrer Miyazaki. Si ça peut paraître étonnant au premier abord, d’autant plus quand on sait que Martin ne joue pas aux jeux vidéo, ça ne l’est finalement pas tant que ça puisqu’il a déjà entendu parler de Dark Souls – ce qui ne manque pas de flatter Miyazaki. Il ne fait aucun doute que la réputation du jeu a dû au moins titiller sa curiosité.
Miyazaki s’envole alors pour les Etats-Unis, et les deux ont une discussion. Pas une discussion orientée business et ce que ça pourrait sous-entendre, mais une discussion tournée sur l’art et la création, une discussion entre passionnés de fantasy. C’est sans doute ça qui pousse Martin à accepter d’écrire l’univers d’Elden Ring : avec les grands thèmes que Miyazaki souhaite aborder, il imagine toute la mythologie du jeu, toutes les fondations de la construction du monde. Plutôt que d’envoyer une histoire « classique », Martin propose une sorte d’introduction qui place le décor. Les personnages et leurs relations, les lieux, la chronologie, ce genre de choses. C’est donc Miyazaki et les scénaristes de FromSoft qui écrivent l’histoire qu’on vit manette en main, et Martin qui imagine tout ce qu’il s’est passé avant.
C’était une collaboration fascinante, car nous n’étions pas limités l’un par l’autre, mais nous influencions tout de même le travail de l’autre. C’est vraiment comme un guide pour le lore, et ça semble donc assez différent de ses romans. En tant que personne qui adore découvrir de nouveaux mondes, c’était très excitant de le lire.
Le fait que Martin n’écrive pas le scénario mais uniquement la mythologie d’Elden Ring pr ésente un double intérêt : déjà, ça lui permet de déployer toute sa créativité sans être bridé. Parce que écrire un roman et écrire un scénario de jeu vidéo ne requière pas les mêmes exigences. D’autant plus pour un jeu créé par Miyazaki qui ne possède pas un scénario linéaire. C’est là le deuxième intérêt : ça permet aux équipes de conserver les méthodes utilisées sur les Souls et de ne pas être obligé de raconter l’histoire d’une manière classique.
La mythologie crée par Martin ne va pas simplement servir à la création du scénario, mais va carrément influencer le développement du jeu. Pour la première fois depuis Demon’s Souls, les zones du jeu sont créées à partir du lore. Par exemple, Caelid est dépeinte comme le lieu où se sont battus les demi-dieux, et c’est cette information qui va dicter le level design et la direction artistique cauchemardesque.
Bon, ok, on a les droits, mais maintenant, le jeu, faut le faire. Elden Ring est la production la plus ambitieuse de FromSoft, et cette ambition vient avec son lot de problèmes. Durant le développement, deux grosses questions ont été au centre des décisions. La première, c’est de savoir comment créer un monde aussi grand. Le cœur d’Elden Ring, c’est l’exploration, l’impression de se perdre dans un vaste monde. Pour y parvenir, il faut du contenu, du contenu et encore du contenu. Il faut qu’un joueur curieux puisse tomber sur une zone cachée, puis découvrir qu’une zone est cachée dans la zone cachée. On a toujours été très libre d’aller où on voulait dans les Souls, mais les précédents jeux de FromSoft n’avaient pas cette taille. Ca a vraiment été le point de départ de la création d’Elden Ring :
Quand je commence à créer un jeu, je me demande toujours “qu’est-ce qui rend cette expérience de jeu spéciale ?” Par exemple, dans Sekiro, c’était le frisson “d’un nouveau type d’escrime basé sur la parade”, mais pour Elden Ring, c’est le “sentiment de grandeur obtenu par l’accumulation.”
Ca amène la principale problématique autour du jeu : comment avoir un rythme soutenu et conserver le gameplay signature des Souls ? Parce qu’être libre d’aller où on veut, c’est bien, mais il faut que tout soit agencé de la bonne manière pour pas que le joueur s’ennuie, qu’il garde un sentiment de progression durant toute l’aventure. Tout ca bien sûr en gardant une narration cryptique fortement appuyée par les environnements, et garder ce sentiment d’accomplissement indispensable à la formule des Souls.
Ouais, y a du pain sur la planche.
La première chose à faire, c’est de se donner les moyens d’une telle ambition. Rien que pour les visuels, ça demande beaucoup de travail. Les équipes ont donc grossi en conséquences, mais le plus gros changement, c’est l’automatisation des tâches. Plutôt que de tout faire à l’ancienne, le travail de base est généré automatiquement puis ensuite retouché à la main. Pour donner un exemple concret, il y a des centaines, si ce n’est des milliers d’arbres dans le jeu. Tous les placer à la main prendrait un temps fou. Les équipes ont donc utilisé un système procédural pour la végétation qui génère des arbres et gère leur placement, ce qui représente déjà 80% du boulot. Une fois fait, les artistes font des retouches ici et là. D’un point de vue plus macro, les données récoltées lors des playtest ont aussi été améliorées pour être traitées plus facilement, quelque chose d’indispensable pour repérer facilement les problèmes que peuvent rencontrer les joueurs.
Et autant dire que c’était nécessaire. Au risque de me répéter, la taille d’Elden Ring est gigantesque, et les équipes ont du faire face à une montagne de problèmes qu’ils n’avaient jamais rencontrés jusque là. Tiens, on va prendre Dark Souls 3 pour comparer. Vous vous souvenez du grand mur de Lothric ? Un des premiers niveaux qu’on découvre dans le jeu. Bon, il est pas immense, mais il dispose quand même de pas mal d’environnements. En fait, pour être précis, si on place la zone sur une carte, elle représente un rectangle de 216 mètres sur 220. Des zones comme ça dans Dark Souls 3, il y en a environ 13. La carte d’Elden Ring, elle… elle fait 6100 mètres sur 7400. Et encore, cette taille ne représente que les zones ouvertes, et ne prend pas en compte les donjons à l’ancienne. Si on regarde par exemple le château de Voilorage, il fait à lui tout seul trois fois la taille du grand mur de Lothric. Et on ne parle même pas des nivaux souterrains, qui sont eux aussi immenses.
La comparaison peut même aller plus loin que ça, car elle touche au cœur de l’évolution du game design entre les précédents jeux de FromSoft et Elden Ring. Avant, chaque niveau était construit indépendamment, puis finalement relié les uns aux autres. Tout ce qui constitue une zone, que ce soit les monstres ou les décors, est chargé indépendamment du reste. Puis quand on s’approche de la fin du niveau, la zone suivante est chargée en arrière plan. Pour le grand mur de Lothric, ça se produit quand on arrive en haut à gauche.
Dans Elden Ring, les donjons sont construits de la même façon. Mais la majorité du monde est totalement ouverte, on peut aller où on veut sans restrictions de mouvements. Et ces grandes étendues, elles ne peuvent pas être pensées de la même façon, parce que les charger partiellement empêcherait d’avoir une distance d’affichage suffisamment élevée. Les développeurs imaginent alors une grille permettant de gérer chaque bout avec précision. En fait, on parle même de grille dans une grille dans une grille : on a une première grille composée de carrés qui font 256 mètres sur 256, une deuxième dont les carrés font le double, donc 512 sur 512 mètres, et un troisième niveau qui fait encore une fois le double, 1024 sur 1024 mètres.
Cette façon d’organiser la carte a deux avantages : elle permet d’avoir une vision précise sur une portion spécifique de la carte, tout en ayant la capacité de gérer ce qu’on aperçoit sur une longue distance. On peut aussi gérer plus facilement le niveau de détails des éléments dans le décor : si chaque pierre présente dans un mur était rendue avec autant de détails à 1m qu’à 10km, le jeu serait beaucoup trop couteux en ressources. Les développeurs utilisent une astuce qui permet de les économiser : quand on est proche, les éléments sont complètements chargés. Mais si on regarde de plus près des éléments lointains, on voit bien qu’ils sont largement moins détaillés. Mais comme on observe tout ça de loin, on ne voit pas la différence.
Mais du coup, avec tout ça, on se pose tous la même question : comment on passe de Dark Souls 1 qui tourne à 12 FPS sur PC à un jeu de cette taille qui tourne à peu près correctement ? Oui au début c’était compliqué niveau performances, notamment sur PC, mais on a quand même un jeu qui tournait relativement bien au vu de la taille de la carte et du passif de FromSoft, qui n’est pas connu pour son expertise technique.
Déjà, la première réponse à cette question, c’est bien sûr l’expertise grandissante des équipes chez FromSoft. Beaucoup de membres de l’équipe sont présent depuis Demon’s Souls, et leur expérience leur permet d’optimiser les solutions à un problème. Il y a aussi l’automatisation qu’on a vu un peu avant, qui octroie aux développeurs plus de temps pour se concentrer sur des taches plus importantes que le placement des arbres. Cette automatisation, elle est vraiment primordiale dans le développement d’Elden Ring. Pour vous donner une idée, voilà la carte que voyaient les développeurs quand ils avaient besoin d’informations. On peut voir le placement des objets, mettre des commentaires sur chaque petit point, et aussi faire une recherche pour filtrer. En plus de ça, des tests automatiques se lancent tous les matins pour collecter des données et vérifier l’état du jeu et les ressources qu’il consomme. Pour éviter d’avoir des zones qui bouffent tous les FPS comme c’est le cas dans la plupart des précédentes productions, les développeurs font régulièrement des tests de performances pour visualiser facilement les zones ou le PC crache ses poumons. Bon, je vais pas rentrer plus que ça dans les détails techniques parce que c’est quand même assez complexe, mais si ça vous intéresse, je vous met dans les sources une présentation de FromSoft qui explique en profondeur les différentes techniques utilisées.
Du coup, pour la technique, ils ont l’air d’avoir bien polishé comme il fallait, même si le jeu n’était pas non plus au top à sa sortie, et ne l’est toujours pas à l’heure actuelle d’ailleurs : quand j’ai refais le jeu pour la vidéo, ma tristesse était infinie face à l’absence de DLSS et de mon nombre de FPS qui aimait bien chuter dans les moments intenses. Mais bon, je pense qu’on peut se mettre d’accord sur le fait qu’Elden Ring reste la plus grosse prouesse technique des développeurs.
Reste alors à créer le monde visuellement. FromSoft a pu s’appuyer sur l’imagination de Martin pour créer la mythologie de l’Entre-Terre, mais encore faut-il lui donner vie.
Créer les visuels d’un monde aussi riche, que ce soit en terme de mythologie ou de décors, ça demande bien sûr énormément d’imagination. Alors que le jeu est encore en préproduction, Miyazaki et ses équipes s’envolent vers le Royaume-Uni, et plus précisément vers l’Ecosse. Pour chacun de ses jeux, Miyazaki s’inspire de lieux existant dans le monde réel. Difficile de passer à côté de son amour pour l’architecture européenne : Le palais de Boletaria s’inspire de l’architecture romane, Anor Londo dans Dark Souls s’inspire de la cathédrale de Milan, et ainsi de suite. La seule exception étant bien sûr Sekiro, qui lui s’inspire de l’architecture traditionnelle Japonaise.
Concernant Elden Ring, les développeurs se sont inspirées de l’ile de Skye pour le terrain. Au niveau des bâtiments, c’est encore une fois d’Europe que l’inspiration va venir : l’arène de Maliketh s’inspire largement du Baptistère Saint-Jean de Pise, l’académie de Lucaria ressemble presque à une reproduction du Château de Neuschwanstein en Allemagne, le sanctuaire de l’arbre monde semble inspiré de Sainte Sophie en Turquie, et on peut même trouver la tour de Pise ou le Panthéon.
Mais Elden Ring n’est pas une simple reproduction de la réalité, loin s’en faut. Tout comme les Souls, c’est un univers de dark fantasy, et même si c’est difficile de l’oublier quand on croise une main géante ou ces corbeaux affreux, il faut que les décors participent à la narration environnementale. Tout est une question de dosage : il faut qu’ils soient à la fois réaliste et fantaisiste. Si on prend le château de Voilorage comme exemple, les premiers concepts crée par les background artists ressemblent énormément à un château “lambda”, exception faite de sa taille. Il n’y avait rien qui le caractérisait, il ne racontait rien. Par la suite sont donc ajoutés des éléments distinctifs qui contribuent à raconter l’histoire indirectement. Au-delà de paradoxalement améliorer sa grandeur, l’érosion procure cette sensation de détérioration au fil du temps, elle nous indique que les occupants du château sont sans doute devenus un peu fous.
Ce qui est particulièrement frappant, c’est qu’on a cette sensation un peu partout. Plus que tous les autres jeux de FromSoft, Elden Ring oscille constamment entre des couleurs chatoyantes et une ambiance morose. Un mélange entre de la haute fantasy et de la dark fantasy. La capitale des cendres porte bien son nom : malgré l’écrasante présence de couleur jaune qui est associée à la joie et à la gaieté, on ne trouve en ce lieu que des résidus d’histoire, des traces d’événements importants. Tout le jeu est traversé par cette ambivalence : il y a bien eu un âge d’or, mais il fait désormais partie du passé. On agit presque comme un archéologue : on ne vit aucun événement important de l’histoire, mais on observe ce qu’il en reste. Ce n’est bien sûr pas spécifique à Elden Ring, puisque les Souls utilisent le même procédé. Mais je l’ai trouvé particulièrement flagrant dans Elden Ring, notamment grâce à sa direction artistique qui nous fait ressentir plus intensément ce passé qui nous entoure.
Pour finir, parlons rapidement d’une influence majeure de Miyazaki pour chacune de ses créations : Berserk. Vous connaissez sûrement au moins de nom ce manga crée par Kentaro Miura, une oeuvre majeur de notre époque qui est devenu l’une des plus importante dans le genre de la dark fantasy. Miyazaki en est un grand fan, et on le remarque par le nombre d’allusions faite à l’oeuvre dans les Souls. En fait, dès qu’on a la comparaison sous les yeux, ça devient presque une évidence. Difficile de ne pas remarquer la ressemblance entre les deux arbres mondes, entre l’arbre des pendus dans le village des albinauriques et celui qu’on voit dans Berserk, entre le casque de Malenia et celui de Farnese, entre l’armure de Maliketh et l’armure du berzerker, entre Blaidd et Guts, et ça peut continuer longtemps. On peut même voir des ressemblances entre Radhan et Zodd, ou entre Ranni et Shierke, et c’est sans compter sur les références directes comme l’espadon qu’on trouve à Caelid. Au-delà de ces ressemblances, sans que je ne puisse l’expliquer, on ressent l’inspiration directe dans l’ambiance des jeux. Elle est si proche de celle de Berserk que les fans rêvent de voir un jeu adapté par Miyazaki, ce qui n’arrivera probablement jamais.
En tant que fan, j’ai probablement trop de respect pour l’oeuvre originale. Le gameplay est toujours ma priorité dans le processus de création. Je ne m’intéresse aux autres aspects comme l’histoire que lorsqu’il est viable. Avec Berserk, l’histoire est devenue si étendue et développée que je ne pourrais sans doute pas l’insérer dans un jeu.
Bien sûr, c’est loin d’être la seule inspiration majeure : on ressent aussi l’influence du Seigneur des Anneaux, et Miyazaki déclare s’être inspiré du jeu de rôle RuneQuest et du Champion éternel dans les romans de Michael Moorcock. ***D’ailleurs, il s’inspire aussi de vrais événements : vous voyez le village aux moulins ? Avec les gens un peu fous qui dansent sans raison. Je vous le donne en mille, c’est vraiment arrivé, enfin presque. Durant l’été 1518 à Strasbourg, la « manie dansante » se répand parmi les habitants et les forcent à danser jusqu’à l’épuisement. Des femmes, des hommes et des enfants se mettent subitement à danser, tout en suppliant que ça cesse. Plus de 400 personnes sont touchées, et beaucoup succomberont même de cette folie dansante. Même s’il existe diverse théories, aucune ne s’est imposée pour expliquer ce qu’il s’est passé. D’autant plus que ce n’est pas le seul cas recensé, une vingtaine ayant été constatées entre 1200 et 1600 dans divers endroits du monde. Désormais connue sous le nom « la danse de Saint-Guy* », l’inspiration pour le village aux moulins semble évidente. Et si vous voulez en savoir plus, l’article du Monde est disponible dans les sources.
Ok ça c’est fait, mais il faut qu’il y ai un jeu derrière. Elden Ring est le premier monde ouvert créé par FromSoft, et les développeurs ne veulent pas s’appuyer sur le modèle ultra classique qu’on retrouve partout.
Le monde ouvert d’Elden Ring n’est pas un lieu vide qu’il faut traverser à cheval pour aller d’un point A à un point B. On voulait qu’il y ai des personnages, des découvertes intéressantes, des dangers, et des rencontres mémorables. La carte n’est pas encombrée avec des points d’interrogations distrayants. On veut que les joueurs créent leur propre narration sur ces terres.
On pourrait se dire que Miyazaki a voulu créer un monde ouvert pour surfer sur cette mode qui perdure depuis une dizaine d’années. Ou qu’il a fait ça pour laisser son empreinte sur le genre. Il est très clair sur le sujet : son but est simplement de créer le jeu de ses rêves :
Je ne veux pas utiliser des termes grandiloquents comme “C’est la marque que je veux laisser sur l’industrie”. C’est simplement que si j’avais un monde de jeu idéal, Elden Ring en est très proche. Je crée les jeux qui me plaisent : des combats tendus, de la fantaisie médiévale avec des donjons à explorer, ce genre de choses. Et Elden Ring tape juste dans ces domaines. Je ne me dis pas “c’est le genre de monde ouvert que je veux faire”, c’est juste que le monde ouvert enrichit l’expérience idéale que j’essaye de créer. Si je devais explorer ce monde, je voudrais une carte. Ou, si je vois quelque chose là bas, j’aimerais être capable d’y aller et de l’explorer. Et je veux j’aimerais me battre avec un dragon dans une arène. Ce genre de choses. C’est simpliste, mais Elden Ring permet à ce genre de choses de devenir une réalité pour moi, créer quelque chose qui est très proche de mon jeu idéal.
Ce qui doit être très frustrant, puisqu’il a aussi déclaré qu’il ne jouerait pas à Elden Ring. Déjà parce que ça lui rappellerait trop son travail, et surtout parce qu’il n’a rien à découvrir dedans. Il connait le moindre de ses secrets, et n’aurait donc aucun plaisir à lancer le jeu. Ca doit quand même faire bizarre, de créer le jeu de ses rêves pour ne jamais y jouer.
Dans tous les cas, si Elden Ring n’est pas un monde ouvert comme les autres, les idées autour de sa création ne sont pas sorties du néant non plus. Miyazaki et ses équipes apprécient beaucoup de mondes ouverts récents, qui ont sans doute influencé le développement d’une manière ou d’une autre. Dans une interview, Miyazaki cite notamment The Witcher 3, Zelda Breath of the Wild et les Elder Scrolls. Elden Ring est un monde ouvert très vaste, et même si le gameplay est sensiblement similaire aux Souls, il faut imaginer de nouvelles fonctionnalités pour pouvoir le parcourir sans se sentir dépassé par sa taille.
C’est dans cette optique qu’est imaginé Torrent, notre fidèle monture. Dès le début du développement, il apparait comme la solution idéale pour se déplacer. Le but n’est pas de créer un mouvement réaliste ou de simuler une course d’équitation, comme c’est le cas dans la plupart des mondes ouverts, mais bien de pouvoir le controler facilement. Il doit être facile à diriger, accessible partout sauf dans les donjons, et aider à atteindre certains endroits grâce à son double saut. La verticalité de la carte étant une composante majeure de l’exploration, les développeurs nous file un coup de main via les courants d’air. Parce qu’on est pas dans Skyrim ici.
Le deuxième gros changement apporté par le monde ouvert d’Elden Ring, c’est l’ajout d’une carte. Ca peut surprendre, surtout quand on sait l’intérêt que revêt l’absence de map dans les Souls, mais Miyazaki considère que c’est indispensable pour l’exploration du monde. Ca permet aux joueurs de se repérer plus facilement parmi les zones du jeu, de placer ses propres points d’intérêt, et, toujours selon Miyazaki, de ressentir l’enjaillement de découvrir et remplir la carte. Et d’un autre côté, elle est totalement absente dans les donjons. Parce que là, l’objectif est de les parcourir à l’aveugle pour comprendre leur structure et avoir la satisfaction de créer une carte mentale.
Dans le même ordre d’idée, il y a aussi la guidance de la grâce, traduction terrible de la version anglaise mais j’ai oublié le nom en français. Bref, ces traits de lumière rappellent un peu le vent dans Ghost of Tsushima ou le rayon de lumière dans Shadow of the Colossus : ils servent d’indicateur. Un moyen simple de donner une piste à suivre, sans pour autant nous forcer la main : on peut tout à fait dévier du chemin indiqué. D’ailleurs, je me rappelle qu’à la sortie du jeu, quand je partageais mon experience avec mes potes, plusieurs ont fini par se retrouver très rapidement face à Margit parce qu’ils ont suivi les traits de lumière… et se sont fait défoncer. C’est bien plus confortable d’explorer avant pour prendre quelques niveaux… et tomber sur un dragon sorti de nulle part.
La liberté a toujours été un pilier fondamental des Souls. La liberté de développer son perso comme on le souhaite, de s’intéresser à l’histoire ou non, de suivre le chemin qu’on veut, et même de tuer les marchands. Rien ou presque n’est interdit. Dans Elden Ring, cette liberté est portée à un niveau encore au-dessus. On peut vraiment aller où on veut et progresser comme on veut : on peut très bien aller à Caelid très tôt dans le jeu, ou suivre la route logique. Et même si certains checkpoint doivent être passés pour aller plus loin, on a plusieurs moyens d’y arriver et de les débloquer. On peut très bien zapper toutes les quêtes secondaires et ne jamais s’intéresser au lore du jeu. On a pleins de styles de combats différents avec l’énorme quantité d’armes qu’on trouve tout au long du jeu. Si on pouvait croire que le combat à cheval serait imposé à certains moment, il n’en est rien. On peut toujours adapter sa stratégie, par exemple en utilisant l’infiltration.
Il y a d’autres nouveautés, comme la variation dynamique du temps et de la météo qui change un peu le gameplay puisque les ennemis voient moins bien la nuit, les cendres de guerre qui permettent de varier un peu le gameplay, mais la nouveauté qui a fait beaucoup jaser, c’est les cendres d’invocation. Dans Elden Ring, il est possible d’invoquer certains mobs pour qu’ils se battent à nos côtés. Et autant dire qu’on a vite vu venir la team des git gud râler sur le système.
Miyazaki s’en défend depuis 2009, autrement dit l’année de sortie de Demon’s Souls : la difficulté n’a jamais été une fin en soi.
Rendre le jeu difficile n’a jamais été le but. On cherchait avant tout le moyen de faire ressentir une sensation d’accomplissement. Nous avions compris que la difficulté était l’un des moyens pouvant offrir ce puissant sentiment de réussite, à travers la création de stratégies, le franchissement d’obstacles et la découverte de nouvelles choses.
A aucun moment Miyazaki n’a pensé les Souls comme des jeux insurmontables. La mort n’est pas une punition mais un apprentissage. Alors bien sûr, ça n’empêche pas de subir parfois de la frustration à cause de l’aspect Die & Retry, et y a quelques pièges bien sournois, notamment dans la forteresse de Sen dans Dark Souls. Mais s’arrêter à ça est une grosse erreur, car chaque niveau découvert, chaque boss vaincu est un accomplissement, et internet ne manque pas d’explosion de joie sur les Souls. Ils ne sont pas populaires grâce à leur difficulté, mais par le sentiment de progression et d’accomplissement qu’ils procurent, et qui se font de plus en plus rares avec l’uniformisation du JV, pour ne pas dire simplification. Dans les Souls, rien n’est offert sur un plateau, même un élément aussi central que le scénario ou quelque chose d’aussi générique qu’un tutoriel. Quiconque veut comprendre ce qui l’entoure doit s’investir pour percer les secrets du jeu.
Cette difficulté nous pousse à observer, à analyser, à réfléchir, à prendre notre temps et à s’investir émotionnellement. Parce qu’au delà des boss qui sont les points culminants de l’aventure, il y a aussi tous les pièges, les groupes d’ennemis, les morts accidentelles, et j’en passe. Les Souls, plus que des jeux difficiles, sont surtout des jeux exigeants. Et d’ailleurs, on le remarque bien : les fans de FromSoft ont probablement moins galérés que les nouveaux venus sur Elden Ring, parce qu’une fois qu’on connaît la formule, on l’appréhende avec beaucoup plus d’efficacité. Ce sont certes des jeux exigeants, mais ils savent récompenser ceux qui s’obstinent, et c’est ça le secret de leurs réussite.
On essaie de créer un jeu aussi épicé que possible. Mais en même temps il faut qu’il soit comestible et qu’il ait bon goût, pour qu’on ait envie d’en manger toujours plus !
Malgré tout, la réputation des Souls a la vie dure. Même si le discours a tendance à être plus nuancé aujourd’hui, on continue d’en parler comme des jeux éprouvants, des jeux où on crache ses tripes, et évidemment, beaucoup de gens sont rebutés par cette description. D’ailleurs, ce n’est pas que la faute des joueurs, on se souvient de l’édition de Dark Souls qui s’appelle Prepare to die. Cette réputation colle à la peau des jeux FromSoft, et vu le succès procuré par le fait qu’elle se différencie des tendances, c’est un gros atout marketing. Forcément, passer d’Animal Crossing à « préparez vous à mourir », ça donne pas très envie pour peu qu’on aime jouer tranquillement.
C’est pour cette raison que Miyazaki met en avant le fait qu’Elden Ring dispose de plus d’options pour simplifier le jeu, et c’est pour cette même raison que les cendres d’invocations existent. Si c’est l’élément qui a cristallisé le débat, il y a pourtant bien d’autres aspects qui rendent le jeu plus accessible. A commencer par le monde ouvert en lui-même : si on est coincé face à un pic de difficulté, on peut très bien aller explorer ailleurs et revenir avec quelques niveaux en plus. Le fait que les développeurs placent l’exploration au centre du game design, que c’est elle qui permet d’obtenir un stuff plus efficace et de gagner de l’expérience, ça rend intrinsèquement le jeu plus abordable.
On ne voulait pas diminuer la difficulté, alors on a augmenté le niveau de liberté à la place. On voulait introduire plus de gens à ce genre de jeux, et que plus de gens l’apprécient.
C’est d’ailleurs dans cette optique que beaucoup de boss sont optionnels. Sekiro avait marqué les joueurs, notamment le combat contre Genishiro qui était un gros pic de difficulté et qui ne laissait pas beaucoup d’espace de créativité au joueur. Il fallait le battre pour avancer, et il n’y avait pas 50 000 manières d’y parvenir. Dans Elden Ring, l’impact des boss a été minimisé :
On a essayé de minimiser les situations où les joueurs peuvent se retrouver coincé à cause d’un boss excessivement difficile. Le jeu est pensé pour offrir beaucoup de liberté, permettant aux joueurs de vaincre les boss retors plus tard ou, même si ce n’est pas applicable pour tous, de choisir de ne pas les combattre.
Pour autant, dire que le jeu est facile serait un mensonge. Il y a bien des pics de difficultés, des boss ardus… et des marais empoisonné.
En matière de ressenti concernant les joueurs quand ils découvrent cette zone, c’est une autre histoire. Mais quand je crée le jeu, je redécouvre mon amour pour les marais empoisonnés. Je sais comment les gens les perçoivent, mais soudainement je réalise que je suis en train d’en faire un et je ne peux pas m’en empêcher. Ca arrive juste.
Peut-être que c’est une sorte de traumatisme pour moi ! Je ne sais pas ! Quelque chose m’oblige à mettre des marais empoisonné partout ! C’est peut-être quelque chose dans mon subconscient.
Et tant qu’on est dans la confidence, sachez que le boss préféré de Miyazaki dans Elden Ring est Radahn. Il apprécie non seulement son histoire, mais aussi le festival qui mélange une sensation d’exaltation et un sentiment d’oppression. Pour le reste du podium, il nomme Godrick et Rykard, notamment pour leur design et leur personnalité.
Tiens, puisqu’on en parle, je ne sais pas si vous l’avez déjà remarqué, mais le doublage des productions FromSoft a deux spécificités. Déjà, les voix disponibles sont uniquement en anglais, même au Japon, ce qui est extrêmement rare. Et deuxièmement, ils sont d’excellente qualité, avec des accents british comme on les aime.
Ca s’explique par le fait que Miyazaki aime la fantasy occidentale depuis l’enfance, où il essayait de lire des livres dans la langue de Shakespear. Pour lui, ses créations devaient forcément être doublés dans cette langue. Mais c’est bien connu, les japonais ne sont pas très à l’aise avec l’anglais. C’est comme ça que, depuis Demon’s Souls, c’est la même entreprise qui s’occupe de la localisation et du doublage : Frognation. Et s’il y a un nom que vous devez retenir, c’est celui de Ryan Morris. C’est lui qui a dirigé la traduction et le doublage des Souls, Bloodborne et Elden Ring. Sekiro est le seul jeu qu’il n’a pas traduit avec son équipe, parce qu’il est édité par Activision qui ont décidé de s’occuper eux-mêmes de la localisation.
Traduire du japonais à l’anglais, c’est un exercice difficile. Ce sont deux langages structurellement différents : par exemple, en Occident, on est habitués à l’ordre sujet-verbe-objet. En japonais, les phrases sont construites avec l’ordre sujet objet verbe. En plus, le sujet est souvent induit par le contexte et dans ces cas-là, il n’est pas directement défini. Si c’est évident que vous parlez de vous, vous n’avez pas besoin de dire “je”. Il n’y a pas non plus de conjugaison au futur, qui est sous-entendu encore une fois par le contexte. Les pronoms sont rarement utilisés, il n’y a pas de différence entre le singulier et le pluriel, bref c’est deux façons de s’exprimer très différentes et ça entraine nécessairement un travail de traduction très précis et donc couteux en temps pour parvenir à un bon résultat.
Forcément, ça pousse les éditeurs à choisir l’entreprise la moins chère, car la localisation est souvent la partie où ils cherchent à faire le plus d’économies possible. Et si moins cher ne rime pas toujours avec mauvaise qualité, la probabilité que ça arrive est quand même plus élevée. Comme les japonais ne sont généralement pas bons en anglais, ils n’arrivent pas à juger de la pertinence de la traduction. Aussi, la puissance de la hiérarchie est très forte au Japon, et même si un employé remarque une faute, il n’osera pas forcément aller contre l’avis de son supérieur. C’est comme ça qu’arrivent des accidents si populaires qu’ils sont maintenant ancrés dans la pop culture. Je pense notamment au « Master of Unlocking », ou au beaucoup plus célèbre « All your base are belong to us. » Et même sans ça, il ne faut pas sous-estimer l’importance d’une bonne traduction : une petite erreur de traduction peut instantanément briser l’immersion, nous rappeler qu’on est en train de jouer à un jeu créé par des gens.
Dans le cas des Souls, c’est donc l’équipe de Frognation qui bosse en étroite collaboration avec Miyazaki. Et évidemment – il ne peut pas s’en empêcher je pense – il s’avère très minutieux quand il s’agit du script anglais. En gros, la traduction est intégrée très tôt durant le développement. Miyazaki envoie à Frognation le brouillon des différents dialogues et des descriptions. Ils font la traduction et présentent le résultat à Miyazaki.
Il comprend suffisamment bien l’anglais pour voir les bonnes idées , mais aussi pour dire : “je pense que ça ne respecte pas le sens original, ça a besoin d’être changé, ajustons le texte”
Il veille donc au grain, mais comprend néanmoins que le texte n’a pas besoin d’être identique au mot près pour bien retranscrire une idée.
Avec les brouillons que j’écris, je n’ai pas l’impression que la traduction doit être identique pour refléter l’intention. Je veux que le texte soit amélioré quand c’est possible. Il y a même certains cas où je réajuste le script japonais pour refléter les parties que je trouve vraiment efficaces en anglais.
En fait, contrairement à beaucoup de cas où la traduction se limite juste à la transposition d’une langue à une autre, Frognation participe activement à l’écriture du script. Ils n’imaginent pas le monde ou le scénario en lui-même, mais contribuent par petites touches qui font toute la différence. Par exemple, toutes les dialogues avec Solaire dans Dark Souls ont été écrites par Ryan Morris. L’iconique Praise the sun n’est donc pas une création de Miyazaki. Comme le dit Morris, personne ne le connaît, mais tout le monde connaît ses petites phrases. Et y a pleins de détails comme ça qui sont assez marrants quand on les connaît : toujours dans Dark Souls, dans le texte durant la cinématique d’introduction, il a modifié plusieurs phrases. Des changements minuscules, de simples détails, mais c’est cette somme de petits détails qui donnent aux Souls leur ambiance si particulière. Si on avait gardé arbre géant au lieu d’arbre titanesque, cette sensation de mystère ne serait pas aussi forte.
Bon après, je dis ça comme si c’était facile, mais vous vous doutez bien que traduire des jeux aussi cryptiques que les Souls, c’est pas une promenade de santé. Ca arrive par exemple que les traducteurs ne savent pas si le personnage qui parle est un homme ou une femme. Ils reviennent souvent vers Miyazaki pour avoir des précisions. Et quand je dis souvent, Ryan Morris parle d’une bonne centaine de fois pour les dialogues et les descriptions d’objets.
Bref, le travail effectué sur la traduction est irréprochable, et l’est tout autant quand il s’agit du doublage. Après avoir reçu les concepts art des personnages, c’est Frognation qui s’occupe de proposer différents acteurs pour un rôle, et Miyazaki qui fait le choix final, accompagné du producteur de chez Bandai Namco.
Tout ça, c’est fait dans le plus grand secret. Si Les premières idées autour d’Elden Ring remontent à 2016, mais le jeu n’est dévoilé au grand public qu’à l’E3 2019, avec un trailer aussi stylé qu’intrigant. Et puis après… Plus rien.
Il est fort probable que ce long silence soit partiellement imputable à la célèbre pandémie mondiale. Ceci dit, le Covid a été beaucoup moins impactant qu’il ne l’a été dans d’autres situations. Selon Miyazaki, les équipes se sont rapidement adaptés au télétravail car il faisait déjà partie de la culture de l’entreprise. La plus grosse différence, celle qui est à la fois aussi inattendue que logique quand on connaît sa façon de travailler, c’est que Miyazaki s’est mis à vivre dans son bureau.
J’ai un frigo. J’ai des livres. J’ai des jeux. Je vis ici. Durant les périodes intenses d’un projet, j’aime m’enfermer dans mon bureau. […] Il a tout ce dont j’ai besoin, excepté une baignoire, donc je rentre chez moi pour prendre une douche ou un bain. Mais en dehors de ça, particulièrement avec le Covid et le télétravail, ça a été facile pour moi de juste m’enfermer et me plonger dans l’aspect créatif.
Mais les fans, eux, ne savent rien de ce qu’il peut bien se passer en coulisses. Ils attendent juste d’en savoir plus, de voir du gameplay, qu’on leur vende le rêve dont ils n’ont même pas besoin pour être déjà convaincus qu’il sera le meilleur jeu de l’univers. Les jours passent, puis les semaines, puis les mois. Le silence autour d’Elden Ring devient assourdissant, trop pour certains, qui trépignent d’impatience. Et vous connaissez Internet maintenant, il n’en faut pas plus pour que les choses prennent une tournure inattendue.
Sur Reddit, la communauté Elden Ring est active et grossit rapidement. On a encore aucune info concrète. Rien, si ce n’est un trailer de deux minutes. Et il n’en faut pas plus pour que certains déroulent le tapis rouge à leur imagination.
En aout 2019, lors de la Gamescom, Elden Ring est aux abonnés absent. Et pourtant, un redditeur annonce déjà y jouer et galérer contre un boss nommé Azgoch. Rien que l’atteindre est une galère : il faut passer la plus grosse zone du jeu, un marais empoisonné appelé le Lac du Chagrin, le tout en esquivant des anges et leurs attaques dévastatrices. Mais le boss en lui-même semble terrible, puisque durant sa deuxième phase il se divise en deux et balance des gros lasers. Ca n’empêche pas certains d’avoir déjà atteint le NG+2, où un boss qui s’appelle Alstad révèle sa vraie forme. Heureusement, on peut réussir à le vaincre grâce à une arme qu’on obtient auprès de Jörmun.
Il y en a qui speedrun déjà le jeu, et ont même une carte simpliste du chemin le plus optimisé. Au fil des mises à jour, certaines routes comme celle du Père ne sont plus viables, mais heureusement, des âmes charitables n’hésitent pas à poster des guides. On y apprend par exemple qu’il vaut mieux totalement skipper Maduka Marsh et ne pas oublier de récupérer l’anneau de l’orteil gauche du Géant, ou que la fin hivernale est possible même en speedrun. D’autres publient la liste des boss du plus facile au plus difficile, et étonnamment le musculeux Hodir est plus facile que Drumvar, et tout ça n’existe bien sûr que dans la tête des gens qui partagent un fantasme commun. Des gens qui font partie du groupe des Hollow, qui compte un nombre grandissant de membres désespérés au fil des jours qui passent sans nouvelle d’Elden Ring.
Autant dire que le temps va leur paraitre bien long, même s’ils savent bien s’occuper. Cette terrible traversée du désert prendra finalement fin en mars 2021 avec le leak du trailer de gameplay montré officiellement lors du Summergame Fest en juin de la même année, soit presque 2 ans après l’annonce du jeu. En plus d’enfin dévoiler à quoi ressemble le jeu, on trouve à la fin une information qui fait bondir les fans : le jeu sortira le 21 janvier 2022, autrement dit dans 7 mois.
Mais une mauvaise nouvelle tombe, à seulement 3 mois de la sortie : Elden Ring est repoussé d’un mois. La faute serait à mettre sur le volume de jeu phénoménal qui exige donc un temps conséquent de débuggage et d’assurance qualité. Fort heureusement, elle ne vient pas seule : un test réseau fermé est annoncé le même jour. Uniquement disponible sur consoles, les inscrits auront donc la chance de découvrir les premières heures du jeu. D’ailleurs pour l’anecdote, j’avais pu y jouer et je m’étais bien marré quand Margit est tombé dans le vide tout seul comme un grand après une attaque sautée.
Après l’annonce du report et du test réseau, Elden Ring est beaucoup moins timide et dévoile son édition collector, montre du gameplay et publie un magnifique trailer centré sur l’histoire. Bon, la communication est assez classique jusque là, mais la veille de la sortie du jeu, une publicité très étonnante est publiée. Un trailer qui raconte l’histoire du jeu d’une façon assez drôle, en plus d’être originale.
À sa sortie, Elden Ring est un véritable raz de marée dans l’industrie qui emporte tout sur son passage, dont le pauvre Horizon qui, décidément, choisi toujours très mal sa date de sortie puisque le premier était sorti en même temps que Zelda Breath of the Wild. Elden Ring, c’est un succès colossal, d’une ampleur inédite pour FromSoft : en un mois seulement, le jeu se vend à 12 millions d’exemplaires, dont 147 000 en France. À titre de comparaison, Sekiro s’était vendu à 2 millions d’exemplaires en 2 semaines, et avait dépassé le cap des 10 millions en 2023, soit quatre ans après sa sortie. Aujourd’hui, Elden Ring a dépassé les 23 millions de ventes et s’approche donc du top 50 des jeux les plus vendus de l’Histoire.
Mais là, on parle que de chiffres. Le succès le plus retentissant d’Elden Ring, c’est bien sûr sa réception critique, totalement unanime. Avec un solide 96 sur Metacritic, qui n’est cette fois pas pipé puisqu’on retrouve les mêmes statistique sur OpenCritic, les critiques dithyrambiques pleuvent de partout. On parle de révolution, de jeu exemplaire dont tous les développeurs devraient s’inspirer, de masterclass, de banger, de poulet, ou de tout ce que vous voulez qui sonne bien. Il dépasse de loin les notes des précédents jeux, même Bloodborne et Dark Souls 3. Le jeu a des stats totalement folles sur Twitch, tout le monde en parle, c’est le gros événement de l’année dans le monde du jeu vidéo. Au point même d’ailleurs où ça finit par agacer certains devs qui critiquent ouvertement le jeu et se prennent derrière une shitstorm monumentale.
N’oublions pas les récompenses, Elden Ring en a reçu un paquet. Aux Games Awards, il est lauréat pour la meilleure réalisation, meilleure direction artistique, meilleur RPG, et bien sûr le titre ultime de jeu de l’année. Aux Golden Joystick Awards, il remporte trois prix dont celui du meilleur jeu multijoueur, et il remporte aussi cinq prix aux DICE Awards dont l’étonnant prix « technique exceptionnelle » alors que God of War Ragnarok est sorti la même année. FromSoft a donc une armoire remplie de trophée, et Miyazaki peut en rajouter une personnelle de taille : en 2023, il est inclus dans la célèbre liste du Time des 100 personnalités les plus influentes du monde. C’est d’ailleurs le seul développeur avec Shigeru Miyamoto à faire partie de cette liste, voilà donc un bel accomplissement pour l’un des créateurs les plus influents dans le monde du jeu vidéo.
En tout cas pour les joueurs, Elden Ring continue à hanter les esprits, même 2 ans après sa sortie. La communauté est ultra active, notamment dans le speedrun et le modding. Dès les premiers mois, on a vu des records tomber tous les jours, des Rush Boss qui comptent quand même 165 boss, des run no hit, et tout ça avec des temps impressionnants. Du côté du modding, on voit de tout et n’importe quoi, et parfois des trucs vraiment marrant. On a aussi des mods très pratiques, comme le mod qui améliore grandement l’expérience en coop, ou le mod… Qui permet de jouer jusqu’à 20.
Et on a les gens qui jouent différemment. A l’image de l’homme devenu légende, Let Me Solo Her, aidant les joueurs coincés face à Malenia. De son propre aveu, sa frustration était telle après 250 essais qu’il a décidé d’apprendre le moindre de ses pattern par coeur et d’aider celles et ceux dans le besoin. Adulé par les fans, il est tant apprécié qu’il a même une figurine à son effigie. Et à côté, on a les gens qui imaginent des trucs qui ne vous seraient jamais venu à l’esprit. Un peu comme cette streameuse qui réussit à vaincre Malenia au dance pad, celle streameuse qui arrive à bout de Margit à la harpe, ce streamer qui arrive à finir Elden Ring… avec des bananes, non je déconne pas, ou presque pire encore avec ce gars qui arrive à vaincre Malenia avec du code morse. Non, vraiment, la créativité des gens, c’est du pain béni. Comme on le dit souvent, on a la commu qu’on mérite.
Et nous y voilà désormais, le DLC d’Elden Ring arrive très bientôt. Les DLC des jeux FromSoft sont toujours l’occasion de se réjouir, car ils n’ont jamais déçu jusque là. Même Dark Souls 2, qui est le moins apprécié des Souls, a eu une deuxième vie grâce à ses deux DLC. Pour Elden Ring, comme pour les Souls d’ailleurs, le développement a commencé après la sortie du jeu. Enfin, les premières idées sont apparues à ce moment là, mais le développement a commencé concrètement quelque temps après, le temps que les équipes publient des mises à jour pour améliorer le jeu de base. Cette fois, Martin n’a rien écrit de spécifique pour le DLC, parce que Miyazaki s’est basé sur le lore déjà existant.
Et donc, on peut se demander pourquoi le DLC a demandé environ 2 ans, alors que le jeu de base qui est immense en a demandé “seulement” 5. Ben, la réponse est toute simple : Comme on l’a vu au tout début, Elden Ring est un jeu qui se base sur ce sentiment d’accumulation. Sur cette impression de faire partie d’un monde immense, de vivre une grande aventure. Le DLC est développé à partir de la même idée. Il est donc lui aussi immense, significativement plus grand que ceux des Souls ou Bloodborne comme le dit Miyazaki. C’est en plus une nouvelle zone , la Terre des Ombres, qui est totalement déconnecté de l’entre-terre, et il a donc fallu imaginer sa direction artistique, son level design, etc. Il y a aussi pas mal d’ajouts : de nouveaux PNJ, de nouveaux boss, et aussi une tonne de nouvelles armes, de nouveaux sorts et de nouvelles techniques de combat. Miyazaki parle quand même de 8 nouveaux types d’armes, c’est donc un contenu plutôt conséquent.
Au moment où cette vidéo sort, le DLC n’est pas encore disponible, donc je peux difficilement épiloguer dessus. Mais au vu des trailers et des premiers retours, je ne me mouille pas trop en disant qu’il aura le même succès critique et commercial que le jeu de base.
Et à plus long terme, à quoi on peut s’attendre ? Difficile à dire. Probablement un jeu où l’accomplissement et la liberté seront au centre du game design. Miyazaki a déclaré récemment s’intéresser aux jeux multijoueur, et a notamment cité Escape From Tarkov. Peut-être ira-t-il dans cette direction ? En tout cas, il ne veut surtout pas faire un Elden Ring 2 sur la simple base de son succès :
On a constaté que les joueurs semblent apprécier nos jeux. Et ils nous donnent la chance de continuer à faire ce qu’on aime, ce qui nous aide à ne pas nous sentir piégés. Je pense qu’une fois qu’on crée quelque chose uniquement parce que c’est populaire, c’est à ce moment là qu’on a moins de succès.
Par contre, s’il y a bien quelque chose qu’il veut faire à nouveau, c’est créer une aventure dans un vaste monde :
Je ne suis pas sûr de pouvoir commencer tout de suite, mais si j’en ai l’opportunité, j’aimerais relever ce challenge. Je crois que toute l’équipe ressent la même chose, qu’elle veut mettre à profit l’expérience acquise avec Elden Ring. Plus que tout, créer un vaste monde et une aventure de cette taille est quelque chose de réjouissant.
Du coup, la question est légitime : est-ce qu’Elden Ring 2 verra le jour ? D’un côté le succès ne doit pas dicter la direction à suivre, de l’autre l’expérience obtenue à travers le développement d’Elden Ring lui donne envie de continuer sur cette voie. A priori, non, ou en tout cas, pas prochainement. Miyazaki a déclaré ne pas être en train de bosser dessus, mais il ne veut pas totalement fermer la porte à cette possibilité, de la même manière qu’il refuse de s’interdire la possibilité de faire un Dark Souls 4 s’il a suffisamment de matière.
Par contre, il a répondu quelque chose d’assez étrange quand on lui a demandé s’il y a quelque chose qu’il aimerait essayer :
Je vous laisse interpréter ça comme vous voulez, mais connaissant le monsieur et vu l’imagination débordante qu’il a, c’est sûr que ça sera quelque chose d’unique en son genre.