Preview Dune Spice Wars : D'une c'est bien, épicé tout

Dune est une œuvre majeure de la science-fiction. Je l’ai découvert personnellement il y a quelques années seulement, mais ces 6 tomes m’ont montré un univers fascinant. et un mélange rare entre religion, despotisme, écologie et politique. Les livres de Franck Herbert sont si complexes qu’ils ont acquis au fil des essais ratés la réputation d’être inadaptables sur grand écran. Du moins, jusqu’à ce que Denis Villeneuve réussisse à mettre à peu près tout le monde d’accord (même si, à mon avis, on est très éloigné de la profondeur du matériau original). Côté jeux vidéo, c’est un peu plus compliqué.

Il y a bien eu des jeux qui ont marqué de leur empreinte le médium vidéoludique : les deux jeux Dune sortis en 1992. Chacun a opté pour une approche totalement différente, et l’un d’eux a même réussi à créer son propre genre, le bien nommé STR (pour Stratégie en Temps Réel), ou RTS en anglais (Real-Time Strategy). Mais depuis, aucun n’a été à la hauteur.

Alors forcément, le studio Shiro Games était attendu au tournant. De leur propre aveu, les développeurs sont des fans de la licence et c’est l’unique raison qui les a poussés à accepter d’adapter l’univers d’Herbert. Après l’excellent Northgard, réussissent-ils à s’en éloigner suffisamment pour créer un jeu à l’identité propre, tout en restant fidèles à la planète Arrakis et ses histoires originelles ?

Un 4X épicé

Dune Spice Wars est un 4X dans sa forme la plus classique. Petit rappel au cas où : Les 4 X sont des titres basés sur quatre principes à savoir l’exploration, l’expansion, l’exploitation et l’extermination (« eXplore, eXpand, eXploit and eXterminate » en anglais). Ce sont des jeux de stratégie où l’on contrôle un empire qui doit grandir pour espérer asseoir sa domination. Pour se faire, on peut utiliser la guerre, la diplomatie, ou gagner économiquement. L’exemple le plus connu de ce genre de jeu reste actuellement la série des Civilization.

Vous commencez donc votre partie en choisissant une faction parmi les quatre disponible, à savoir la maison Atréides, la maison Harkonnen, les contrebandiers ou les Fremen. Un choix impliquant des conseillers bien connus des fans comme Duncan Idaho ou Peter de Vries. Ils ont tous un effet passif particulier et orientent la stratégie à utiliser. Et bien sûr, chaque faction possède des talents uniques, avec par exemple les Atréides qui peuvent annexer un nouveau territoire de manière diplomatique. Une fois la partie lancée, on se retrouve avec sa capitale et un brouillard de guerre l’entourant. Il va falloir explorer pour découvrir les territoires voisins et exploiter les ressources existantes. Elles sont au nombre de 6 :

• L’épice, la ressource fondamentale de Dune. Indispensable pour payer la taxe et éviter les malus, en plus d’être une monnaie d’échange plus qu’intéressante.
• Les Solaris sont centraux dans l’économie. Ils octroient la possibilité de recruter des soldats et construire des bâtiments.
• Le plascrete est nécessaire à la construction et à l’entretien des bâtiments.
• Le Manpower est la ressource permettant de recruter des soldats ou de la main-d’œuvre.
• Autre ressource fondamentale de Dune, l’eau sert ici à faire vivre votre population et votre armée. Il faut donc augmenter sa production lorsque l’on souhaite intégrer de nouveaux villages à son territoire. Elle sert aussi à commercer avec les Sietch (les postes des Fremen).
• Tout chef qui se respecte se doit d’avoir de l’autorité, nécessaire pour prendre possession d’un village.

Si l’épice ne sert pas à voir dans le futur, elle est néanmoins essentielle au bon développement de votre empire. En étant une maison de l’Impérium, on doit payer une taxe pour l’exploitation d’Arrakis. Le montant de cette taxe varie chaque mois, et augmente généralement au fur et à mesure de la partie. Ceci étant dit, le surplus d’épice n’est pas gâché puisqu’il peut être échangé contre des Solaris auprès du CHOAM, l’organisme gérant le commerce de l’épice. Mais il faut aussi prendre en compte les ressources qui ne sont pas utilitaires mais qui contribuent malgré tout à l’essor de votre puissance. On parle ici de l’Hégémonie (permettant de gagner la partie), les points de connaissances pour débloquer de nouvelles recherches, les points d’influence pour gagner de l’importance dans les votes du Landsraad, les points d’intel utilisés par vos agents, et les agents eux-mêmes qui octroient des bonus.

Car Dune Spice Wars mélange du classique avec du neuf. Ainsi, les recherches scientifiques restent relativement convenues (amélioration de production, création de bâtiments spécifiques, etc.) et conservent un aspect déterminant dans la progression de la partie. Mais un élément très intéressant peut rapidement faire basculer la partie : le Landsraad. Chaque semaine se déroule un vote qui permet de bénéficier d’un bonus ou d’un malus. Toutes les factions peuvent participer au vote et celle qui utilise le plus d’influence aura le dernier mot. Et c’est un poids considérable sur le cours d’une partie : obtenir des Sardaukar (les connaisseurs peuvent déjà imaginer leur importance dans une bataille) ou voir sa production d’eau diminuée de moitié peut totalement chambouler vos plans. Et bien sûr, être reconnu comme le dirigeant légitime d’Arrakis donne la victoire.

Car il y a trois moyens de remporter une partie : gagner les faveurs du Landsraad, écraser toutes les factions adverses en tuant leur leader ou en absorbant tous leurs territoires, ou atteindre 50 000 points d’Hégémonie (qui correspond à la « qualité » de votre empire). Les conditions de victoire sont plus ou moins accessibles en fonction des factions : par exemple, devenir le dirigeant légitime d’Arrakis est bien plus facile avec la maison Atréides qui possède un bonus d’influence, tandis que la maison Harkonnen et son agressivité légendaire permettront une victoire militaire plus aisée. Encore que, il me semble que c’est de loin la solution la plus longue et la plus difficile, surtout sur des cartes de moyenne et grande taille.

Parce que les affrontements dans le jeu font partie des points ratés : peu d’unités sont présentes, et les combats se gagnent ou se perdent sans stratégie. Grosso modo, la plus grande force armée écrasera celle avec moins de soldats. On peut bien sûr faire un peu de microgestion, avoir des bonus sur ses territoires pour avoir une meilleure défense, mais c’est globalement assez pauvre. Et étonnamment, il en va de même pour la diplomatie : on ne peut que commercer avec les autres factions. Pas d’alliance spécifique ou de déclaration de guerre, ni autre relation qui ne serait pas liée au commerce.

Arrakis, au bon lait de brebis

Alors c’est un bon jeu avec quelques défauts, d’accord, mais est-ce une bonne adaptation ? En deux mots : « oui, mais ».

Oui parce que le jeu transpire l’amour de la licence à chaque instant. Dans ses visuels déjà, avec ce désert écrasant de chaleur et de tempêtes dangereuses. Le défi de créer un jeu intéressant visuellement était pourtant difficile, et Shiro Games l’a relevé avec brio. Certes vous ne tomberez pas de votre chaise en appréciant la grâce désertique d’Arrakis, mais Dune Spice Wars fait malgré tout un bon boulot visuellement, malgré des animations quelque peu archaïques. Les designs sont eux aussi réussis, que ce soit les portraits, les bâtiments ou les ornithoptères. Et surtout, les développeurs ont intelligemment adapté les forces et faiblesses de chaque clan.

Mais tout n’est pas parfait pour autant. Pour donner un exemple concret, l’épice ne sert que de monnaie d’échange, alors qu’elle offre bien plus dans les livres. Elle est au centre de l’univers imaginé pour Herbert, et ce n’est pas pour rien. Dans Spice Wars, elle semble presque secondaire, et n’octroie que des malus si l’on n’en récolte pas assez ou un bon revenu si on en obtient suffisamment. Il en va de même pour les déplacements dans le désert, qui certes attirent les vers comme dans le livre, mais qui n’ont pas plus d’impact que ça. On aurait pu imaginer par exemple devoir former ses soldats à se déplacer comme les Fremen, une faction qui d’ailleurs ne tire aucun avantage spécifique de sa connaissance du désert. Excepté un moyen de parcourir de grandes distances basées sur les vers, mais comme les autres factions ont une capacité équivalente, il me semble difficile d’y voir une spécificité.

Il en va de même pour l’eau, centrale dans les romans mais ici simple ressource facilement collectable avec le bon bâtiment. Tous ces petits détails peuvent faire tiquer les fans invétérés, bien qu’il soit compréhensible qu’intégrer mécaniquement ces éléments dans le jeu soit compliqué.

Un accès anticipé réussi

Au-delà de ses qualités et ses défauts, il ne faut pas oublier que Dune Spice Wars sort en accès anticipé. Ainsi, de nombreuses fonctionnalités sont à venir comme une campagne narrative, de nouvelles factions, un mode multijoueur, et peut-être même un portage sur console selon les dires des développeurs.

En attendant, le contenu actuellement présent dans cette version permet malgré tout de s’amuser sans voir passer les heures. Les factions sont tellement différentes qu’elles offrent toutes un gameplay spécifique et une rejouabilité bienvenue. Cependant, n’espérez pas y passer 200 h non plus : une fois les quatre factions essayées, on a plus grand-chose à se mettre sous la dent. À vous de voir si ce qui a été dit précédemment vous donne envie, mais il est aussi à mon sens préférable pour le moment d’attendre pour voir ce qu’apporteront les prochaines mises à jour.

Ceci étant dit, rendons à César ce qui appartient à César : le jeu tourne superbement bien. Lors de mes parties, je n’ai eu aucun problème technique ni aucun bug d’aucune sorte. L’état du jeu pour un accès anticipé est exemplaire, si ce n’est peut-être l’absence de version française qui peut rebuter les anglophobes (même si le vocabulaire employé reste compréhensible pour quiconque a de bonnes bases en anglais).

Bien entendu, qui dit Early Access dit modifications profondes du jeu à venir. Le studio a annoncé que Dune Spice Wars serait en accès anticipé pendant au minimum 9 à 12 mois. Je reviendrais sans doute écrire un avis définitif à la sortie finale du jeu !

Développeur : Shiro Games – Éditeur : Funcom

Sorti le 26 avril 2022 sur PC en accès anticipé à 29,99 €

Testé sur PC grâce à un code obtenu par Warning Up et l'éditeur.