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    Par DonBear
    Publié dans Analyses
    30 janv. 2021
    7 min de lecture
    Hades : pourquoi tant d’amour ?

    Tandis que Noel Malware était appuyé contre sa fenêtre en regardant les enfants jouer dehors, je maudissais de mon côté l’arrivée tant redoutée du générique de fin d’Hades. « Pas comme ça Supergiant, pas après 30 h de jeu ! » criais-je en mon for intérieur. Après m’être administré 3 sédatifs et attendu que ma tension redescende, je me rappelais que j’avais en réalité encore des intrigues inachevées à terminer, et tout alla finalement mieux. Mais vint se lover subitement dans mon esprit une question qui me tarabiscotait, et me poussa finalement à écrire ces lignes: pourquoi Hades, parmi tout le catalogue de Supergiant – intégralement rempli de jeux de qualité –, a donc tant marqué ma vie de joueur ? Comment ce jeu en particulier s’est-il hissé parmi les meilleurs souvenirs de jeu vidéo que j’ai eu depuis ces dernières années ?

    Tout vient à point à qui sait Hades

    Il serait aisé de partir du postulat que sa direction artistique, sa bande-son (Darren Korb est assurément l’un des meilleurs compositeurs occidentaux de cette décennie, oui j’ose !), ou encore son écriture sont les éléments déterminants de sa réussite. Ce sont en effet autant de composants qui appuient la qualité du soft, l’aide à se démarquer et sont indispensables pour aboutir à un excellent jeu. Mais dans ce cas, quid de Bastion et son ambiance poétique, Transistor et son histoire touchante appuyés par un gameplay accrocheur, ou Pyre et son mélange de genre original ainsi que ses personnages attachants ? Eux aussi ont des doublages soignés, un humour bien dosé, une identité visuelle propre et une finition exemplaire. Non, la réponse n’est pas là. Chacun des jeux du studio possède les mêmes qualités qu’Hades, cette même sensibilité et ce charme du jeu indépendant. Cependant, il y a bien une chose en plus que le dernier titre de Supergiant possède: l’Early Access. Et c’est ce qui est à l’origine de ce bijou unique, unanimement apprécié par la Terre entière.

    L’Early Access de Hades a été longue. Tout d’abord disponible en exclusivité sur l’Epic Games Store à partir de fin 2018, il est arrivé sur Steam un an plus tard, et a finalement terminé son processus de développement en septembre dernier, accompagné d’une sortie sur Nintendo Switch. Presque deux ans d’accès anticipé (et 47 mises à jour déployées !), c’est plus que la majorité des jeux qui finissent par réellement sortir une version finale. Contrairement à DayZ et surtout Star Citizen qui sont des références quand on parle d’Early Access qui le resteront toute leur vie mais ne l’avoueront jamais – et leur communauté encore moins. Et c’est justement là où Supergiant a su tirer son épingle du jeu, et mettre à profit ce statut hybride d’une manière qu’on aimerait voir plus souvent. La chaîne YouTube Noclip a d’ailleurs toute une série de vidéos très intéressantes consacrée au développement du jeu.

    Hades est dans les détails

    Ce développement ouvert aux joueurs étalé sur deux ans a donné les clés de la réussite à Supergiant Games. L’équipe de développement a pu s’appuyer sur les retours des joueurs pour comprendre leurs erreurs et les corriger au fur et à mesure. Le titre ayant initialement un capital sympathie énorme grâce à la réputation bien établie du studio, beaucoup de joueurs se sont lancés dans l’aventure.Ce sont ces retours qui ont donné naissance au jeu tel qu’on le connaît maintenant. Je parlais plus haut de finition, et c’est là où Hades tire son épingle du jeu: chaque détail est pensé, formant un tout cohérent, et chaque élément du game design est justement accordé avec le reste pour aider, ou à l’inverse challenger celle ou celui devant l’écran. Le diable est dans les détails, et les développeurs l’ont bien compris. Par exemple, aviez-vous remarqué qu’il est possible de dasher à travers un précipice plus grand que la portée initiale du-dit dash ? Cela peut sembler anecdotique, voire insignifiant, mais cette simplification de la jouabilité initiale apporte en réalité un précieux soutien au joueur, qui ne peut mourir d’une façon aussi triste que tomber dans un précipice. L’accumulation de ce genre de détails aboutit à la suppression de toute frustration, chaque défaite étant irrémédiablement induite par une erreur venant de la personne aux commandes, et elle seule. Hades peut être punitif, il peut être difficile, il peut être exaspérant, il peut même être la source de chaudes larmes ruisselant sur votre visage, mais jamais il n’est injuste.

    Cette finition se retrouve aussi dans des aspects plus élémentaires du jeu. L’équilibrage des armes est exemplaire, et chacune d’entre elles permet, avec le bon build, de s’en sortir. Il suffit de surfer sur les internets pour voir que tout le monde a une arme préférée, sans jamais qu’aucune ne soit mise de côté. Parce qu’au-delà des affinités que l’on peut avoir avec une arme à distance ou au corps-à-corps, une arme lente ou une arme rapide, elles permettent toutes de manière égale de venir à bout de chaque obstacle qui se met sur votre route. On peut aisément le deviner, cet équilibrage a dû être la finalité de longues heures – ou plutôt de longs mois – d’arrachages de cheveux, et appuie d’autant plus cette finition qui nous intéresse aujourd’hui. Plus globalement, les combats ont bénéficié d’une attention toute particulière, et on ne peut qu’applaudir devant la lisibilité qui en découle. Malgré la pléthore d’effets visuels qui jaillissent lors des affrontements, malgré le nombre d’ennemis parfois élevé, malgré des décors chargés de détails, la moindre action est claire comme de l’eau de roche, et jamais on ne se sent perdu manette en main. N’étant pas concepteur de jeux moi-même, j’aurais bien du mal à détailler les artifices utilisés par Supergiant Games, mais étant actuellement en train d’écrire ces lignes, je peux néanmoins saluer le travail d’orfèvre effectué.

    Hades vous va si bien

    En plus d’avoir pris le temps de peaufiner son jeu, Supergiant Games a aussi eu le bon goût de comprendre – et surtout bonifier – le genre dans lequel il se lançait. Le roguelite a le vent en poupe ces dernières années, notamment grâce aux innovations apportées par des titres marquants. Darkest Dungeon, FTL, Slay the Spire ou plus récemment Noita sont autant d’exemples qui améliorent ce genre considéré encore il y a peu comme une niche pour masochistes. Hades fait donc partie de ces avant-gardistes avec un ajout encore jamais vu pour cette catégorie: une narration intégrée aux mécaniques de jeu. Vous le savez sans doute si vous vous êtes intéressés de près ou de loin au jeu, mais la production de Supergiant Games incorpore la narration dans la répétitivité induite par le genre, et se paye même le luxe, tel un Dark Souls, de rendre cette suite de morts diégétique, lui permettant d’être totalement en symbiose avec l’univers. Au-delà de la qualité remarquable de l’écriture, nous sommes face à un système qui pousse le joueur à recommencer encore et encore les mêmes niveaux, pour espérer entrevoir la suite d’un scénario mis en scène simplement mais efficacement. Une solution venant effacer toute frustration, la défaite devenant de fait une occasion de continuer à découvrir les personnages autour de nous plutôt qu’une punition.

    Et c’est là le principal atout mis en avant dans beaucoup de critiques que j’ai pu lire. Mais ce n’est pas rendre justice au jeu, tant ses mécaniques sont riches. L’optimisation de build accorde un contrôle sur l’aléatoire des récompenses perçues, notamment par ses améliorations liées au miroir et à l’utilisation des souvenirs. Le hasard fait toujours partie de l’équation, mais perd en importance lors de la progression. Cette richesse confère aussi une durée de vie immense au titre, permettant aux curieux d’essayer un nombre de combinaisons déraisonnable. Les possibilités se comptent par centaines voire par milliers, chacune abordant une nouvelle facette du gameplay. Et tout comme Celeste, un platformer indé devenu une référence concernant l’accompagnement des joueurs, Hades est bienveillant: l’activation du mode divin permet de diminuer les dégâts subis de 20%, et chaque échec ajoute 2%, jusqu’à atteindre 80% de réduction de dégâts. Un soutien dénué de tout jugement, à l’inverse de certaines productions plus enclines à broyer l’égo du joueur. Je me rappellerais toute ma vie du choix de la difficulté dans Wolfenstein 2: The New Colossus qui tournait en ridicule le mode facile, comparant ceux qui le choisissaient à des bébés pleurnichards. Et en plus, cette aide ne modifie en rien ni le plaisir de jeu ni les mécaniques, et, cerise sur le gâteau, elle apporte une belle touche d’accessibilité. Il ne manquerait plus que Supergiant Games ne crunch pas et on tiendrait là le studio parfait. Attendez, mais c’est le cas !

    Ce souci du détail, cette précision qui délivre un jeu parfaitement huilé, nous l’avons tous déjà rencontré. La dernière expérience de ce calibre qui me vient immédiatement à l’esprit, c’est Hollow Knight.Un jeu ayant marqué de nombreux esprits, et dont la suite fait languir toute une communauté.Et à l’instar d’Hades, il est lui aussi l’un des meilleurs représentants de son genre, à savoir le metroidvania. Ce sont là deux exemples de ce que j’aime appeler les indégagnants, autrement dit des jeux indépendants qui ont su gagner le cœur des joueurs ayant posé leurs mains – et accessoirement leurs yeux – dessus. Peu ont la prétention d’avoir créé des jeux faisant partie de ce cercle restreint, leur conférant une aura unique. Ce qui m’amène à rejoindre l’avis de Doc Géraud qui expliquait il y a peu que le prix auquel sont vendus ces indégagnants est indécemment bas. Des jeux de cette ampleur disponibles pour 20 euros auraient potentiellement un impact négatif sur l’industrie, habituant les joueurs à avoir un énorme niveau de qualité pour un coût relativement faible.

    Voilà les principales clés de compréhension du succès d’Hades. Supergiant Games a osé aller en terrain miné, celui de l’Early Access, qui correspondait aussi à une plongée dans l’inconnu pour le studio. Un pari aussi risqué que réussi, qui a donné naissance à l’un des meilleurs – si ce n’est le meilleur – jeux de 2020, et surtout l’un des meilleurs représentants du genre. Mais au-delà de cet accès anticipé, l’équipe de développement avait déjà les cartes en main pour réussir ce tour de force. Leur compréhension du roguelite,couplé à leur créativité pour repousser les limites narratives de ce genre cloisonné, prouve une nouvelle fois le savoir-faire d’une équipe qui n’a de cesse de s’améliorer à chaque nouveau jeu. On ne peut que trépigner d’impatience pour la suite !

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